Padre Giovanni,
pourquoi avoir choisi un tel thème ? Pouvez-vous en dire
quelques mots ?
C’est une dimension
que je ressens de façon particulière depuis que j’ai eu
la chance, la grâce de participer à l’Eucharistie
célébrée par Padre Pio. Dans les premiers jours de
juillet 1962, avant d’entrer au noviciat, je me suis rendu à San
Giovanni Rotondo, afin d’y prendre un temps de prière et de
réflexion.
J’ai pu alors
participer à la messe que Padre Pio célébrait
très tôt le matin. Je me suis personnellement rendu compte
de l’intensité avec laquelle l’humble frère qu’il
était, célébrait. L’Eucharistie est un moment
mystique… le moment où Dieu et l’homme se rencontrent. Pour
Padre Pio, marqué dans son corps par les stigmates et en son
existence par les souffrances, l’Eucharistie était un temps
d’extase, où il était ravi en Dieu.
Dans ses lettres,
Padre Pio se réfère souvent au Cantique des cantiques,
lorsqu’il veut évoquer son rapport à Dieu. Par exemple,
dans une lettre au Père Agostino, le 17 août 1913, il
écrit ceci :
« Avec
l’épouse du Cantique des cantiques, demandons-lui : “Qu’il me
baise des baisers de sa bouche, tes amours sont plus délicieuses
que le vin”. Jésus nous donne si souvent ce baiser de paix dans
le très saint sacrement, à nous, prêtres,
particulièrement ! Oui, désirons-le ardemment et, plus
encore, soyons-en reconnaissants. Quel don plus cher pouvons-nous
désirer de Dieu ? »
Padre Pio s’est servi
de la manière dont le Cantique des cantiques
célèbre l’amour, pour parler de l’amour infini qu’il y
avait entre Dieu et lui ; et qui débordait vers les autres.
|
Padre
Pio a expérimenté plus que nul autre la présence
de Jésus dans l’Hostie consacrée. Pourtant, il se
défi-nissait comme un pauvre frère indigne de demeurer en
Sa présence, comme un pécheur. Comment comprendre cela ?
Le fait de se sentir pécheur n’est pas
quelque chose d’objectif, de mathématique : quelle
quantité de péchés ai-je commis ? Se sentir
pécheur, dans l’expérience chrétienne, cela se vit
dans le cadre d’une relation : Je me sens pécheur lorsque je me
trouve face à Dieu. Celui qui n’a qu’un rapport
lointain, froid avec le Seigneur, n’aura du péché qu’une
perception humaine, mais pas spirituelle.
Padre Pio, comme tant d’autres saints, a vécu cette dimension
spirituelle du péché grâce justement à la
relation intime et profonde qu’il avait avec le Seigneur. En
dépit de la sainteté de sa vie, face à Dieu il se
reconnaissait pécheur et indigne de recevoir tant d’amour de la
part de Dieu.
L’apôtre
saint Paul parle de la même expérience dans la Lettre aux
Romains : Plus nous nous donnons à Dieu, plus nous
découvrons son amour. Et plus nous découvrons son amour,
plus nous nous reconnaissons pécheurs. Une telle
expérience est le signe d’une relation intense avec le Seigneur.
Une relation dans laquelle on sent et expérimente tout l’amour
que Dieu porte aux hommes. Cet amour, le Seigneur l’a versé en
abondance en Padre Pio.
Voilà quelle a été la source de l’amour de Padre
Pio pour les autres. Pour nous aussi, l’Eucharistie est la source de
communion entre les hommes ; et elle est le moment où cela est
vécu en plénitude, l’épiphanie de la communion.
|