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Spiritualité des Groupes
Réflexions sur l'Évangile

Textes liturgiques
de la fête de saint Pio



La jubilation dans l'Esprit chez Padre Pio
Réflexions sur l'Évangile de la fête de saint Pio — Mt 11,25-26
Don Vincenzo D'Arenzo, vice-directeur général des Groupes de prière

"Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance." (Mt 11, 25-26)

Les versets 25 à 30 du chapitre 11 de l’Evangile selon saint Matthieu sont proclamés dans la célébration eucharistique consacrée à saint Pio de Pietrelcina. Suivant la règle de la Lex orandi ainsi que de la méthode de la Lectio divina, nous nous demanderons : Que signifient ces versets ? Qu’inspiraient-ils à Padre Pio ? Que nous inspirent-ils ?

Signification et contexte
La merveilleuse bénédiction que nous lisons ici dans l’Évangile est la seule prière de Jésus transcrite par les synoptiques : en effet Jésus enseigne le Pater aux disciples et il ne prononce que de brèves invocations dans le jardin des Oliviers ou sur la Croix, comme les évangélistes le notent. Mais la prière ci-dessus, d’une intensité extraordinaire, a été analysée en détail ; chaque mot a sa valeur propre qui puise dans le message de l’Ancien Testament et s’ouvre à la vision du Royaume et de son mystère révélé par le Christ.
Ce passage est traditionnellement connu sous le nom de "jubilation messianique" car, dans son texte parallèle, Luc (10,21-24) commence par ces mots : "A l’instant même Jésus exulta sous l’action de l’Esprit Saint et dit…"
Le contexte est assez incertain. Il est suggestif de penser qu’effectivement Jésus ne répond à personne sinon à une sollicitation de l’Esprit Saint, au sein d’une expérience intime de prière. En effet, la traduction littérale est "En ce temps-là, après avoir répondu, Jésus prit la parole…". En outre, Jésus avait parlé auparavant (Mt 11,20-24), en invectivant les villes aisées du lac de Tibériade.
Dans ce contexte et sollicité par l’Esprit, Jésus, rejeté par les puissants, déclare explicitement sa préférence pour les pauvres, les simples, les derniers et les petits, dans un chant de louange et de joie, divisé en trois strophes liées entre elles.

La première strophe (Mt 11, 25-26) est une bénédiction, c’est-à-dire un remerciement qui monte de la terre vers Dieu. "Que ma prière devant toi s’élève comme un encens et mes mains comme l’offrande du soir" (Ps 141,2). Jésus remercie le Père car le voile du mystère du Royaume de Dieu a été levé, et le projet de salut que Dieu est en train de mettre en œuvre a été révélé dans la personne du Christ. Les yeux des pauvres et des humbles, qui ne sont pas plein d’orgueil, peuvent enfin le contempler. Dans la personne du Christ, petit et méprisé, les petits de la terre peuvent admirer l’action du "Seigneur du ciel et de la terre". Les savants et les intelligents orgueilleux ont les yeux fermés et ne considèrent Jésus que comme un modeste pêcheur de la Galilée, fils d’un artisan qui, en raison de ses velléités, est la cible de leur ironie.
La strophe est donc centrée sur les "petits", qui sont aussi les humbles, les pauvres, ceux qui n’ont pas droit à la parole pour se faire respecter par les "grands" hommes. La Sagesse divine ne révèle pas les secrets du Cœur divin aux superbes et aux orgueilleux, mais "la Sagesse ouvre la bouche des muets et rend claire la langue des tout-petits." (Sg 10,21)
Le sage d’Israël rappelle qu’il faut se faire humble : "Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser pour trouver grâce devant le Seigneur, car grande est la puissance du Seigneur, mais il est honoré par les humbles." (Si 3,18-20)
L’orgueil humain est bouleversé et la doctrine de la sagesse de l’Ancien Testament en donne plusieurs exemples : "La Loi du Seigneur est parfaite, réconfort pour l’âme ; le témoignage du Seigneur est véridique, sagesse du simple." (Ps 18,8) – "La révélation de tes paroles illumine, elle donne l’intelligence aux simples." (Ps 119,130)

Le mot "petit", enfin, inaugure ce fil d’or de la spiritualité chrétienne connu sous le nom d’enfance spirituelle qui plonge ses racines dans cette perle qu’est le psaume 131 : "Non ! je tiens mon âme dans le calme et le silence. Comme un enfant sevré sur le sein de sa mère, comme l’enfant sevré mon âme est en moi." (v.2)
Ce n’est pas un abandon irrationnel et aveugle que celui du bébé tranquille et rassasié d'avoir tété. L’enfant sevré est la créature liée à sa mère par un lien conscient d’intimité, différent du simple besoin physiologique et de la relation génératrice. Sous cette lumière, le "petit" symbolise efficacement l’adhésion totale à Dieu dans la confiance. C’est sous cette lumière que Jésus le propose comme modèle.

La jubilation dans l’Esprit chez Padre Pio, un des ‘‘petits’’ du Seigneur
Si les experts ont choisi le passage de Mt 11,25-30 pour la messe consacrée à Padre Pio, c’est parce qu’ils ont vu en lui un des champions de cette enfance spirituelle. Jésus est le vrai "petit" du Royaume et chacun de nous est appelé à se faire petit en l’imitant.
Padre Pio l’a fait à un degré élevé. On peut répéter de lui ce que saint Bonaventure affirmait de saint François : "Ainsi, le vrai amour du Christ avait transformé l’amant dans l’image de l’aimé… dans le portrait visible du Christ crucifié, non pas par le martyre de la chair mais par le feu de l’Esprit." (Legenda Major XII,3-5)
Le "petit" Padre Pio s’est laissé aimer par Dieu, sans opposer de résistance, et cet amour sponsal l’a transformé. Le "petit" Padre Pio s’est abandonné avec confiance, totalement, à l’amour du Père bon, tendre et gratifiant.
"Par moments, je me souviens de la sévérité de Jésus et je suis un instant sur le point de m’affliger ; je me mets alors à considérer son amour, et j’en suis pleinement consolé. Il m’est impossible de ne pas m’abandonner à cette douceur, à ce bonheur… Oh mon Père, qu’est-ce que je ressens ? J’ai une telle confiance en Jésus que, même si je voyais l’enfer ouvert devant moi et que je me trouvais au bord de l’abîme, je ne douterais pas de lui, je ne désespérerais pas, je me fierais à lui." (Lettre au Père Agostino, 3 décembre 1912)

Rappelons aussi la merveilleuse lettre du 10 juillet 1915 écrite également au Père Agostino. Padre Pio synthétise là les piliers de la doctrine de l’enfance spirituelle : simplicité, abandon en Dieu et paix.
"Dieu se plaît à se révéler aux âmes simples ; efforçons-nous donc d’acquérir cette belle vertu, tenons-la en grande considération. Jésus a dit : “Si vous ne retournez à l’état des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Cieux”. Mais, avant de nous l’enseigner en paroles, il l’avait mis en pratique dans les faits. Il s’est fait petit enfant et donna l’exemple de cette simplicité qu’il allait enseigner. Eloignons de notre cœur toute prudence terrestre. Tâchons d’avoir toujours un esprit pur, des idées droites, des intentions saintes.
Veillons à ce que notre volonté ne cherche rien d’autre que Dieu et sa gloire. Si nous nous efforçons de progresser dans cette belle vertu, celui qui nous l’a enseignée nous enrichira de lumières nouvelles et de plus grandes faveurs célestes.
Gardons les yeux de notre esprit fixés sur notre état sacerdotal ; tant que nous ne pourrons dire à tout le monde, et sans mentir, la fameuse parole de saint Paul : “Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même du Christ”, ne nous arrêtons pas de progresser vers plus de simplicité.
Toutefois, nous ne ferons jamais le moindre pas en avant si nous n’essayons pas de vivre dans la paix, une paix sainte et constante. Le joug de Jésus est doux et léger, ne donnons donc pas à l’ennemi l’occasion de s’insinuer dans notre cœur pour en arracher cette paix.
La paix est simplicité d’esprit, sérénité, tranquillité de l’âme, lien d’amour. Elle est ordre et harmonie en nous ; elle est une joie continuelle qui naît du témoignage de notre bonne conscience; c’est la sainte allégresse d’un cœur sur lequel Dieu règne. La paix est le chemin de la perfection. Mieux, c’est en elle que réside la perfection, et le démon, qui connaît fort bien tout cela, s’efforce de nous la faire perdre.
Soyons donc vigilants au moindre symptôme de trouble ; dès que nous nous rendons compte que nous cédons au découragement, tournons-nous vers Dieu en toute confiance et avec un abandon total.
Ce qui nous perturbe déplaît vivement à Jésus, car cela va toujours de pair avec l’imperfection, une imperfection qui provient de l’égoïsme et de l’amour-propre.
S’il est bien une chose dont l’âme doit s’attrister, c’est de toute offense de Dieu et, sur ce point, il importe d’être extrêmement prudents. Certes, il nous faut regretter nos fautes, mais que ce soit avec une douleur pacifique et sans que nous perdions notre confiance en la miséricorde divine.
Si ces reproches et ces remords nous humilient et nous permettent de mieux nous appliquer à bien nous conduire sans faire vaciller notre confiance en Dieu, considérons comme certain qu’ils viennent de Dieu. Mais s’ils nous troublent, s’ils nous rendent peureux, méfiants, paresseux ou lents à faire le bien, considérons pour certain qu’ils viennent du démon ; comme tels, il nous faut les chasser en nous réfugiant dans la confiance en Dieu.
C’est ainsi que notre âme restera tranquille et paisible en toute situation, et nous progresserons alors dans les voies du Seigneur ; dans le cas contraire, c’est-à-dire si nous avons perdu cette paix, tout ce que nous pourrons faire pour obtenir la vie éternelle ne portera que peu de fruit, sinon aucun."