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Spiritualité des Groupes
Réflexions sur l'Évangile

Textes liturgiques
de la fête de saint Pio



Connaître Dieu est donné seulement aux petits
Réflexions sur l'Évangile de la fête de saint Pio — Mt 11,27
Don Vincenzo D'Arenzo, vice-directeur général des Groupes de prière


"Une âme ne parvient pas à la connaissance, si Dieu lui-même ne le lui permet pas et ne la prend pas pour l’élever jusqu’à lui. L’esprit humain ne pourrait jamais monter jusqu’à la lumière divine, si Dieu lui-même ne l’élevait pas, jusqu’où l’esprit humain peut être élevé, et s’il ne l’enflammait pas de sa charité." (saint Maxime le Confesseur)
En poursuivant le commentaire de l’Évangile de la messe de saint Pio (Mt 11, 25-30), nous nous arrêterons ici sur un seul verset, le verset 27, qui peut être divisé en trois affirmations solennelles:
1. "Tout m’a été donné par mon Père ;
2. nul ne connaît le Fils sinon le Père,
3. et nul ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler."
Il saute immédiatement aux yeux que le verbe "connaître" est ici central ; mais examinons chacune des trois affirmations.

Tout m’a été donné par mon Père
L’expression de saint Matthieu reprend Daniel 7,13-14, où l’Ancien, l’Ancien des jours, le Dieu éternel remet "le règne, la puissance et la gloire" dans les mains du Fils de l’Homme. Au terme de sa vie, Jésus lui-même, avant de monter au ciel, affirme qu’il lui "a été donné tout pouvoir au ciel et sur la terre" (Mt 28,18), ainsi qu’au début de son ministère parmi les hommes : "Le Père aime le Fils et a remis toute chose entre ses mains." (Jn 3,35)

Nul ne connaît le Fils sinon le Père
"Ici l’objectif se concentre sur la seule figure du Christ comme seuls les pauvres savent la voir. La description est liée à un terme capital dans la Bible, ‘‘connaître’’, un verbe qui dans le monde sémitique indique par-dessus tout une plénitude d’intimité et d’amour." (G. Ravasi, Secondo le Sritture)
Si, pour nous aujourd’hui en occident, "connaître" paraît être seulement une activité intellectuelle, de manière constante dans la Bible, et peut-être dans toutes les traditions spirituelles, ‘‘connaître’’ fait partie du vocabulaire de l’amour. "On connaît mieux avec le cœur qu’avec l’intelligence", disent les saints.
"Celui qui n’aime pas, ne connaît pas Dieu", parce que "l’amour est le support de la connaissance" (saint Grégoire de Naziance).
"Le premier et le plus grand des commandements est la charité ; grâce à elle, l’intelligence voit la charité première, Dieu" (Evagre le Pontique).

Padre Pio, lui aussi, le dit, dans une lettre du 4 octobre 1915 au Père Agostino :
"Je pense fréquemment, mon cher Père, que seule la solitude, en ce bas monde, peut apaiser l’atroce douleur qui me transperce à la vue de mon éloignement de ce Dieu qui est la source et la consolation des âmes affligées: en effet, l’esprit y trouve un doux repos en celui qui est sa véritable paix.
Mais, mon Père, il arrive trop souvent que la pleine liberté de se délecter de lui ne lui soit pas laissée ! Qui peut alors imaginer l’immense amertume que l’âme éprouve ? L’intelligence est comme en extase devant les merveilles de son Epoux divin ; en revanche, la volonté se consume de douleur, parce qu’elle ne voudrait en aucune manière être dérangée et détournée des douceurs de cet amour qu’elle ne comprend pas, mais qui ne peut être qu’un amour qui ne ressemble en rien à celui qu’elle est habituée à porter aux créatures.
Cette pauvre volonté ne comprend rien à ce mystère. Elle aime plus que ce qu’elle connaît d’ordinaire, ce qui cause les grands tourments qui ne laissent aucune paix à l’âme, ni de jour ni de nuit. L’esprit brûle du désir de connaître l’objet de son amour, mais l’abîme incompréhensible de la grandeur divine l’oppresse, l’abat, l’anéantit. Elle se sent réduite à rien, au point de pouvoir joindre sa voix à celle du prophète pour ouvrir son cœur à Dieu : 'Je suis réduit à rien'.
A son tour, le cœur s’enflamme du désir de se délecter des beautés souveraines de sa face, mais en vain, car il se rend compte qu’une trop grosse chaîne le retient prisonnier de ce bas monde."


et nul ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler
Saint Jean, dans le prologue de son Evangile, affirme : "Dieu, nul ne l’a jamais vu ; mais le Fils unique, qui est dans le sein du Père, l’a révélé." (1,18) Moïse lui-même n’avait pas été jugé digne de voir la Gloire de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même : "Tu ne pourras pas voir mon visage, car personne ne peut me voir et rester en vie." (Ex 33,20) Seul le Fils connaît le Père et peut, dans sa liberté divine, le faire connaître aux hommes. Le Fils connaît aussi le cœur des hommes et ainsi il révèle le Père à qui il veut, c’est-à-dire à celui qui se trouve en condition d’accueillir la réalité divine. Nous avons déjà vu, dans un article précédent, que sa volonté se dirige vers les "petits". C’est seulement aux petits que le Fils, Sagesse divine, donne la grâce de l’Esprit Saint, grâce qui vient du Père, afin qu’ils connaissent les Dons divins.
Padre Pio est l’un de ces "petits". Notre saint accompagne les âmes qui lui ont été confiées sur la voie de l’enfance spirituelle. C’est un chemin difficile, mais que les directeurs spirituels ne doivent pas oublier d’indiquer à leurs propres enfants. Regardons comment Padre Pio a guidé sa fille spirituelle Raffaelina Cerase sur la voie confiante de l’abandon total dans les bras du Père.
Toute la lettre du 23 février 1915 peut être lue dans cette optique. Nous n’en donnons ici que quelques extraits, qui commencent sur un commentaire de Ephésiens 1,23-24 :

"Il déclare avant tout aux fidèles qu’il est prêt à tout par amour de Jésus Christ, dans la ferme espérance que tout, y compris les chaînes dans lesquelles il se trouve alors, contribuera à son salut, que tout lui sera un avantage pour la vie éternelle.
Ce sentiment vraiment sublime devrait être celui de tous les chrétiens. Pourquoi vivons-nous donc? Après la consécration que nous avons faites de nous-même au baptême, nous sommes tout entier à Jésus Christ. Ainsi, chaque âme chrétienne devrait être familière de la parole du saint Apôtre : ‘‘Pour moi, vivre c’est le Christ.’’ Je vis pour Jésus Christ, je vis pour sa gloire, pour le servir, pour l’aimer… [N’est-ce pas ce à quoi tend le ‘‘petit’’ ?]

Goûtons, ma chère Raffaelina, goûtons, savourons la sublime disposition d’âme d’un tel apôtre ! Oui, cela est trop vrai, les âmes qui aiment Dieu sont prêtes à tout par amour de ce même Dieu, ayant la ferme espérance que tout tournera à leur bien. Qu’elle soit toujours nôtre la disposition d’âme qui reconnaît en tous les événements de la vie l’ordre empli de sagesse de la divine providence, adorons cette providence et disposons notre volonté à s’unir, toujours et en tout, à celle de Dieu : ainsi nous glorifierons le Père et tout nous sera un avantage en vue de la vie éternelle.
Le Seigneur, après qu’il nous a comblé de tant de biens sans aucun mérite de notre part, se contente d’un don si minime, celui de notre volonté. Offrons-la lui avec le divin Maître dans la prière sublime du Notre Père : "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel." Offrons notre volonté avec le sentiment qui fut celui de notre divin Maître quand il s’offrit pour nous au Père. Offrons-la lui et que cela soit une offrande totale, bien évidemment jusqu’en notre vie concrète. Ne soyons pas comme ces enfants qui donnent un bijou et qui, immédiatement ou presque, le regrettent et le réclament avec des pleurs : s’il en était ainsi, notre offrande serait dérisoire… [Parce qu’il nous sait non seulement petits, mais aussi fragiles, le Seigneur nous donne le pain quotidien pour notre marche jusqu’à lui.]

Mais quel est ce pain ? En cette demande de Jésus, (une meilleure interprétation étant toujours possible) je reconnais principalement l’Eucharistie. Oh, quel excès d’humilité de la part de l’Homme-Dieu ! Lui qui est un seul être avec le Père. [tout m’a été donné par mon Père.] Lui qui est l’amour et le délice du Géniteur éternel [Le Fils seul connaît le Père], bien qu’il sache que tout ce qu’il ferait sur terre serait accepté et ratifié par son Père dans le ciel, demande la permission de rester avec nous !
O Raffaelina, quel excès d’amour pour nous de la part de Fils et en même temps quel excès d’humilité dans cette demande adressée au Père de lui permettre de rester avec nous jusqu’à la fin du monde ! Mais, également, quel excès d’amour pour nous de la part du Père quand, ayant vu les moqueries misérables et le pire traitement qui soit, a permis à son Fils bien-aimé de rester encore au milieu de nous, alors qu’il serait quotidiennement encore victime de nouvelles injures !… [l’excès d’amour du Fils et du Père pour nous me paraît bien expliquer la parole : "et celui à qui le Fils veut le révéler".]
L’Apôtre déclare donc ouvertement que "vivre pour lui, c’est le Christ", qui est comme l’âme et le centre de toute son existence, celui qui agit en toute ses actions, le but de toutes ses aspirations [voilà l’abandon total du petit dans le bras du Père]. Et après avoir dit que sa vie est Jésus Christ, il ajoute que mourir est un gain pour lui, parce qu’avec son martyre il donnerait à Jésus le témoignage solennel de son amour, il unirait sa vie à celle de Jésus plus indissolublement et il atteindrait la gloire qu’il attend.
Que dites-vous, Raffaelina, de telles paroles ? Les âmes mondaines, puisqu’elles ne connaissent rien des goûts surnaturels et célestes, à entendre un tel langage, se mettraient à rire et elles auraient raison ! parce que l’homme animal, dit l’Esprit Saint, ne perçoit rien des choses qui viennent de Dieu. Ceux qui ne connaissent pas d’autres goûts que ceux de la fange et de la terre, ne se font aucune idée de la béatitude, que les âmes spirituelles expérimentent en souffrant et en mourant pour Jésus Christ…
… un fils, qui aime tendrement son père, supporte, par amour pour lui, toutes les humiliations, jusqu’à l’accomplissement exact de certains offices très bas qu’il plaît à son père de lui imposer.
Tout cela, ce fils aimant le fait, pas seulement pour ne contrevenir en rien à la volonté de son père, mais aussi dans le but de lui plaire en toutes choses. Pour autant, bien qu’il s’assujettisse de son plein gré à tout, ce fils affectueux sentira tout le poids de ses sacrifices ; au contraire plus son amour de son père sera fort, plus le poids des sacrifices sera lourd et douloureux…
Je crains de ne pas être un bon pasteur des âmes que la providence divine m’a confiées. On ne travaille jamais assez à la perfection d’une seule âme."