« Venez à moi, vous tous qui
êtes fatigués et opprimés, et moi je vous
procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, apprenez de moi que je
suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos
âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau
léger. » (Mt 11,28-30)
C’est avec ces paroles que se conclut l’Evangile de
la messe en l’honneur de saint Pio.
[Afin de rester proche du texte de Don Vincenzo,
nous avons traduit littéralement le texte
évangélique qu’il utilise, et qui est différent de
la traduction liturgique française.]
Si dans la première strophe (Mt 11, 25-26),
Jésus bénit le Père parce que, dans son
mystère que nul ne peut scruter, il a privilégié
les ‘‘petits’’ dans la révélation qu’il fait de
Lui-même ; si dans la deuxième strophe (Mt 11, 27), Le
Christ Jésus s’affirme comme l’unique canal de la connaissance
amoureuse du Père ; dans cette troisième strophe, le
Seigneur Jésus se montre comme la Sagesse divine incarnée
qui agit au milieu des hommes : «
Venez à moi, vous tous ». C’est l’appel que la
Sagesse lançait déjà, dans l’Ancien Testament, aux
‘‘petits’’ pour les inviter au Repas préparé (Pr 9,5 : « Venez et mangez mon pain, buvez le
vin que j’ai préparé »), à tous ceux
qui la désiraient comme épouse bien aimée afin de
se rassasier de ses riches fruits (Sir 24,18 : « Approchez-vous de moi, vous qui me
désirez, et rassasiez-vous de mes fruits. »)
Telle est aussi l’invitation pressante que lance la
Sagesse divine incarnée pour le Banquet final maintenant
prêt (Jn 6,35 : « Je suis
le Pain de la Vie ; celui qui vient à moi n’aura plus jamais
faim et celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif »),
afin de donner le Don suprême, l’Esprit Saint, l’Eau de la Vie
(Jn 7, 37-39 : « Qu’il vienne
à moi celui qui a soif, et qu’il boive celui qui croit en moi…
»).
L’invitation de la Sagesse est adressée à « tous (ceux qui sont)
fatigués et opprimés » par les combats
difficiles de l’existence, ceux que Matthieu a déjà
déclarés bienheureux en 5,3-11. Tous avaient reçu
la promesse du repos, de la restauration, du soulagement divins.
Le soulagement en Dieu de tous les souffrants est un thème cher
à notre père Saint Pio. Ce cri de l’Evangile est bien
l’un des points de référence fondamentaux pour comprendre
au mieux le soulagement de la souffrance des corps et des esprits qui
résume la spiritualité de notre Fondateur.
Le Seigneur a promis et donné son ‘‘soulagement’’ contre les
faux prophètes et les faux prêtres : «C’est par des lèvres
bégayantes et en langue étrangères qu’il va parler
à ce peuple, lui qui leur avait dit : ‘‘Voici le repos ! Laissez
reposer l’accablé. Voici le soulagement !’’ Mais ils n’ont pas
voulu entendre. » (Is 28,11-12)
Dans les choix de la vie, les fidèles ne
doivent pas prendre les mauvais chemins s’ils veulent trouver la paix. « Ainsi parle le Seigneur :
Placez-vous sur les voies de jadis, renseignez-vous sur les chemins du
vieux temps, où se trouve le chemin du bien ; prenez-le donc et
vous trouverez la paix pour vos âmes. » (Jr 6,16)
Le soulagement par le Seigneur et en lui sera le vrai moyen du retour
du peuple de l’exil : « Je
donnerai l’abondance à l’âme épuisée et je
rassasierai celle qui languit » (Jr 31,25).
La paix de
l’âme est l’un des signes importants de la présence de Dieu
Dans le cœur de Dieu se trouve la source du
soulagement de toute souffrance humaine. ‘‘Soulager’’ est l’un des
verbes exprimant l’amour de Dieu pour les hommes, et il comporte
diverses nuances : Dieu donne le réconfort, le repos, la
quiétude, le refuge, la satiété, le
bien-être. Dieu lui-même s’est reposé après
la création (Gn 2,2), dans sa Béatitude infinie,
celle-là même dans laquelle le Fils introduit les petits.
La paix de l’âme est l’un des signes importants de la
présence de Dieu dans l’âme et cela
particulièrement quand on en fait l’expérience dans les
tribulations.
« Grâce à Dieu, écrit Padre Pio, l’état de mon esprit, avec ses
hauts et ses bas, se maintient régulièrement comme
à l’habitude. La seule chose qui me semble être hors de
l’habitude est qu’aux grandes satisfactions spirituelles
succèdent de grandes désolations spirituelles, et
celles-ci ont ordinairement pour objet la mauvaise manière dont
les hommes correspondent aux faveurs du Ciel. Je voudrais faire quelque
chose de plus pour eux, pour les rendre agréables au cœur de
Dieu, mais en cela je me sens impuissant, presque les ailes
coupées. » (Lettre au Père Benedetto, 13
août 1920)
Cette expérience a été
continuelle chez Padre Pio. Des extraits d’une autre lettre au
Père Benedetto, de juin 1913, l’expriment mieux encore :
« Le Seigneur me donne une connaissance claire et vive de son
amour, de sa perfection et de sa bonté qui se fait
miséricorde pour ceux qui ne mériteraient que l’enfer, et
cela rend ma souffrance si intolérable que j’en viens à
pousser de grands cris. Cet état dure parfois très peu de
temps, mais quand je reprends mes esprits, les douleurs de l’âme
sont tellement plus vives que celles du corps qu’on pourrait me couper
en morceaux sans que je le sente… »
Le Seigneur me fait
voir comme dans un miroir que ma vie future ne sera pas autre chose
qu’un martyre
«
Sans
même y penser, j’éprouve quelquefois un désir
très vif de posséder Jésus en plénitude ;
alors le Seigneur me dévoile comme dans un miroir, et avec une
telle clarté que je ne saurais vous la décrire, que toute
ma vie future ne peut être autre chose qu’un martyre. Sans
pouvoir me l’expliquer, j’appelle ardemment la mort ; malgré
tous mes efforts, je me sens poussé à demander à
Dieu, avec des larmes, de m’enlever de cet exil. J’ai un ardent
désir de plaire à Dieu et une très grande crainte
de commettre la moindre imperfection, à tel point que je
voudrais fuir toute relation avec les créatures ; mais dans le
même temps, un autre désir gigantesque naît dans mon
cœur, celui de me trouver au cœur du monde pour proclamer à
haute voix qui est ce Dieu grand et miséricordieux.
A côté de ces sentiments à la fois pénibles
et agréables, le Seigneur m’octroie de temps à autres de
grandes joies, incompréhensibles même pour moi. Ces joies
sont si intenses que je voudrais y faire participer les autres pour
qu’ils m’aident à remercier le Seigneur. A d’autres reprises, et
même quand je suis occupé à des choses sans
importance, il m’arrive qu’une simple parole de Dieu que j’entends ou
qui me revient subitement à l’esprit me touche si fort que je
tombe en extase. C’est alors que le Seigneur me fait habituellement la
grâce de me révéler certains secrets qui
s’inscrivent au fond de mon âme de façon
indélébile, bien que je ne puisse pas les exprimer tous
car les mots me manquent quand je m’y essaie. Et même quand j’y
arrive plus ou moins, ils perdent tellement de leur splendeur que cela
me cause de la pitié et du dégoût.
Après de telles faveurs, qui peuvent durer pendant plusieurs
jours, ma volonté reste grisée et mon esprit encore
absorbé par ces visions. »
Ce repos dans le Seigneur comme don du Saint Esprit à
l’âme qui recherche la volonté de Dieu y compris dans les
tourments de la vie, mérité un approfondissement. C’est
que nous ferons dans le prochain article.
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