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Spiritualité des Groupes
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La miséricorde dans l'expérience et les écrits de Padre Pio



Dans le cœur de Dieu est la source
du soulagement de toute souffrance (2)

Réflexions sur l'Évangile de la fête de saint Pio — Mt 11,28
Don Vincenzo D'Arenzo, vice-directeur général des Groupes de prière


Le repos dans le Seigneur comme don de l’Esprit Saint à l’âme qui cherche la volonté de Dieu au sein des épreuves de la vie, mérite un approfondissement.
C’est ainsi que nous concluions l’article précédent.
En résumé, nous disions que l’affirmation de l’Evangile : "Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le poids du fardeau, et je vous donnerai le repos" (Mt 11,28) met ensemble le repos, la quiétude de l’Esprit et les fatigues et les épreuves de la vie.
Les deux pôles de la spiritualité de Padre Pio sont bien ceux-là : les frères avec leurs souffrances et Dieu avec son soulagement. Padre Pio, situé entre les frères et Dieu, sent que son rôle est d’être du côté de Dieu, recevant et donnant le soulagement, et du côté des frères, assumant et soulageant leurs souffrances.
« Soulagement » et « souffrance » sont deux anneaux de la chaîne ininterrompue qu’est la vie de l’Esprit. Par la souffrance, par la croix, Dieu nous modèle, nous purifie en vue de l’union nuptiale d’amour avec Lui. Et quand nous avons atteint cet état de joie, de paix, de soulagement de nos souffrances, Dieu nous « presse » encore, nous purifie de nouveau par la souffrance en vue d’un état encore supérieur d’union avec Lui.
Nous pouvons nous demander si ce chemin est réservé à quelques-uns ou s’il concerne tout le monde ?
La réponse nous semble être : ce chemin est pour tous ! mais il y a les retards, les rébellions, la non compréhension (due entre autre au manque de directeurs spirituels avisés !) qui nous font reculer devant une telle union à Dieu. D’autres fois, ce sont les paresses spirituelles, la peur d’être conduit par Dieu sur un chemin que nous n’avons pas désiré, la priorité que nous donnons à nos projets humains sur le projet de Dieu, qui nous ferment à cette perspective.


Padre Pio dans le sillage de la tradition ininterrompue de l’Eglise
Que pense Padre Pio de ce qui précède ?
Dans sa lettre du 9 janvier 1915 à Raffaelina Cerase, notre fondateur décrit en son entier le chemin spirituel d’une âme. Avant d’en examiner quelques extraits, je voudrais indiquer que Padre Pio se touve là dans le sillage de la grande tradition spirituelle de l’Eglise. Dans son ouvrage « La prière selon la tradition de l’Orient chrétien », T. Spidlik écrit : "Théophane le Reclus établit une règle ordinaire de la pédagogie divine :
1) La grâce divine est présente dès le commencement et fait comme une seule substance avec l’âme.
2) Au commencement de la vie spirituelle, elle se fait sentir comme une consolation, une récompense pour le travail accompli.
3) Dans la suite, elle se cache et Dieu laisse les saints dans les souffrances, dans les désolations, afin de les éprouver et de les purifier.
4) À terme, quand la période de la purification est accomplie, Dieu accorde à nouveau ses consolations et la plénitude de l’Esprit Saint. »
Dans la lettre n°45 à Raffaelina Cerase, Padre Pio est en parfaite harmonie avec les Pères et décrit minutieusement ces quatre étapes de la pédagogie divine.

Les soins maternels d’une mère pour son enfant
"Lorsqu’il veut, par son infinie bonté, élever une âme à une haute perfection, Dieu a l’habitude de son comporter envers elle comme le fait une mère avec son petit enfant. Observez tous les soins ingénieux d’une telle mère. Elle est toutes entrailles pour sa chère petite idole. Quand elle a donné le jour à son enfant, elle ne le porte pas tout de suite au sein maternel pour le faire téter. Elle fait cela dans un double but. Cette pauvre mère craint fortement que le lait, n’étant pas encore bien purifié par la chaleur de son sein maternel, puisse nuire gravement au fruit de ses propres entrailles.
Mais il y a une autre raison qui pousse cette mère à agir avec tellement de prudence : le lait qui n’est pas pur n’est pas agréable au palais du nouveau-né, et cette mère, tellement bonne, qui craignant fortement, et avec juste raison, que son petit enfant, trop vite écœuré par la désagréable odeur de son lait non encore purifié, ne soit obligé, par la suite, de cesser de téter, la pauvre se contente de le nourrir au tout début avec un aliment très doux comme le sucre.
Lorsque, par après, cette mère pleine d’affection, a ainsi préparé le nouveau-né, et que son lait a acquis la propriété d’aliment sain, nous la voyons aussitôt attirer l’enfant à son sein maternel, avec une sainte et maternelle ardeur, pour lui donner le lait.
Lorsque cet enfant est parvenu à l’âge d’être sevré, cette mère si tendre commence, peu à peu, à lui donner d’autres aliments avec le lait et, en même temps, elle lui supprime le lait. Elle lui en donne de moins en moins, et de plus en plus rarement, jusqu’au jour où elle cesse totalement de lui en donner.
Cette mère termine-t-elle peut-être là ses soins ? Pour ceci, je m’en remets à n’importe quelle intelligence pour en juger. Ne perdons pas de vue l’enfant cependant : il souffre à cause du sevrage, et il souffre certainement beaucoup au début, et il n’est pas rare de voir cet enfant dépérir pendant un certain temps, mais, par la suite, sa santé redeviendra florissante, ses membres prendront de la force jusqu’à ce qu’il devienne un jour un homme bien formé, ce qu’il n’aurait pu obtenir si la mère se fut contentée de lui donner toujours du lait.
Avec nos âmes, Dieu se comporte de cette manière-là et même d’une manière bien meilleure. Il a voulu nous gagner à Lui en nous faisant éprouver de très abondantes douceurs et consolations en chacune de nos dévotions, aussi bien au niveau de la volonté qu’au niveau du cœur. Mais qui ne voit le danger dans cette sorte d’amour de Dieu ? Il se peut que la pauvre âme s’attache à l’accidentalité de la dévotion et de l’amour de Dieu. Elle ne se soucie que peu, ou pas du tout, de cette dévotion et de cet amour substantiels qui seuls la rendent chère et agréable à Dieu.
À ce danger très grand, bien vite le très doux Jésus accourt avec une sollicitude exquise. Quand il voit que l’âme est bien affermie dans son amour, qu’elle s’est attachée et unie à Lui, qu’il la voit déjà détachée des choses de la terre et des occasions du péché, qu’elle a acquis une vertu suffisante pour se maintenir à son saint service, sans attractions ni douceurs sensibles, il veut la faire accéder à un plus grande sainteté de vie. Il la prive de cette douceur des sens qu’elle avait jusqu’ici expérimentée en toutes ses méditations, ses oraisons et autres dévotions ; et ce qui est plus douloureux pour l’âme, c’est de perdre, dans cet état, toute facilité de faire oraison et de méditer, et aussi d’être abandonnée à l’obscurité dans une totale et douloureuse aridité.
À tout cela ne manquent pas non plus les afflictions extérieures, non plus que d’autres souffrances sans nombre. En somme, il semble que tout contribue à la destruction de cette pauvre âme et à son éternelle condamnation. Devant un tel changement, l’âme, au début, reste atterrée, elle croit que tout cela provient d’une coupable négligence. Elle s’efforce alors, même par des moyens sévères, de réveiller les sentiments endormis. Mais la pauvre se rend compte que ces ingénieuses façons de faire ne parviennent nullement à la remettre dans la précédente disposition. Une immense peur, semblable à la mort, s’empare d’elle. Elle doute fortement que peut-être tout cela ne soit le fruit de quelque péché grave qui lui aurait échappé et dans lequel elle serait tombée sans s’en apercevoir.
Et la voilà qui, sans perdre de temps, commence à examiner sa conscience, à analyser tout ce qu’elle a fait. Elle ne trouve rien à se reprocher qui lui semble avoir causé une telle disgrâce. Elle conclut : tout est fini pour moi, je suis abandonnée par Dieu, sa justice m’a finalement atteinte, tout cela m’est arrivé pour expier les péchés de ma vie passée, ou encore les manquements de chaque jour.
Mon Dieu, que son aveuglement a été facile ! Ce que la pauvre âme appelle abandon n’est pas autre chose qu’un soin tout particulier et tout spécial du Père du ciel pour elle. Ce passage, qui est le sien, n’a rien d’aride, mais par après, si elle demeure fidèle, elle passe de l’état de méditation à celui de contemplation. Tout deviendra suave et savoureux.
Voilà comment la chose se passe pour vous, ma chère Raffaelina, et vous devez être persuadée que votre âme n’est pas privée d’amour pour son Dieu. A cause de la sécheresse et des ténèbres dont vous êtes enveloppée, vous ne vous éloignez pas d’un cheveu dans le service de Dieu, et bien plus, vous pouvez vous en rendre compte par vous-même, vous vous sentez encore davantage poussée à servir le Seigneur, et vous êtes très attentive à ne pas manquer à l’amour de Dieu, vous faites en vous-même l’expérience d’une certaine force et d’une certaine ardeur pour persévérer constamment dans la vertu. Est-ce que je me trompe ? Non, soyez sincère au moins avec vous-même !
Toute cette épreuve, finalement, n’est pas autre chose que la purgation de l’âme. De même que la mère sèvre peu à peu son enfant pour lui donner de la nourriture plus substantielle, plus solide, et donc plus fortifiante, capable de la conduire à l’âge adulte, Dieu prive peu à peu l’âme de la nourriture sensible et délicate pour le plonger peu à peu dans la contemplation directe par la Foi pure. C’est seulement ainsi que l’âme se perdra en Dieu.
Il pourra même arriver que la purgation de l’âme agisse par les sens, et ce sera alors la purgation des sens. C’est d’ailleurs la source d’une douleur très intense. Pourtant, cette aridité, cette sécheresse, ne pourra que conduire l’âme ainsi éprouvée à un amour de Dieu de plus en plus dépouillé, donc de plus en plus pur. On aimera Dieu sans même s’en apercevoir. Tel est l’amour substantiel par lequel on aime Dieu d’une façon parfaitement désintéressée.
Enfin, lorsque l’âme se laisse entraîner par Dieu vers l’union mystique et l’amour parfait, Dieu lui donne une lumière très vive qui lui découvre la gravité de son péché. Il s’ensuit une souffrance et un abattement tels que, si Dieu ne la soutenait pas par sa grâce toute puissante, elle quitterait ce monde de ténèbres."