"Prêtres du Seigneur,
bénissez le Seigneur ;
Saints et humbles de cœur, louez Dieu !" (Dn 3,84.87)
Dans les textes précédents, nous avons
commenté la péricope évangélique (Mt 11,
25-30) de la Messe propre de saint Pio. Dans une
célébration eucharistique, l’Evangile porte le contenu de
la célébration. Le vrai centre de l’action liturgique est
toujours l’Evangile. Le Christ Ressuscité est le
‘‘héraut’’ de la bonne nouvelle que le Père veut nous
faire connaître – approfondir – prier – accueillir – vivre.
Dans le diacre ou le prêtre, quand l’Evangile est proclamé
depuis l’ambon, nous devons reconnaître l’Ange de la
Résurrection (c’est-à-dire le Christ lui-même, le
Vivant, le Ressuscité) qui fait entendre à
l’assemblée réunie sa Parole qui ne passera pas : «
Je suis ressuscité, pourquoi me cherchez-vous parmi les morts ?
Je suis ressuscité et je suis toujours avec vous » ;
« Je suis ressuscité, ne craignez pas… toi non plus, ne
crains pas ! » Telle est la Parole divine, consolante qui demeure
pour toujours dans nos communautés.
Dans une liturgie, il y a d’autres paroles, d’autres textes (que
souvent on ne prie pas, car ils sont remplacés par des chants…
peu liturgiques, peu bibliques, peu ‘‘psalmiques’’) qui font un
ensemble uni avec l’Evangile : l’Antienne d’ouverture, le verset de
l’Evangile et l’Antienne de la communion, autrefois des psaumes
enfilés comme des perles, maintenant réduits à un
petit verset.
L’Antienne d’ouverture de la Messe de saint Pio est tiré du
Livre de Daniel, chapitre 3, versets 84 et 87 : « Prêtres du Seigneur,
bénissez le Seigneur, saints et humbles de cœur, louez Dieu
». Le chapitre 3 du Livre de Daniel contient deux superbes
prières, l’une à la suite de l’autre à peu de
chose près. Dans la première (3,26-45), Azaria, un des
trois enfants qui se trouvent ‘‘au milieu du feu’’ (3,25) exalte Dieu
reconnu comme juste même dans les moments de souffrance : tout
vient du péché du peuple ! « Dans la situation tragique du
présent, l’espérance recherche les racines de cette
situation dans le passé, c’est-à-dire dans les promesses
faites aux pères » (Jean-Paul II), alors que le
jeune priant voit sa prière déjà exaucée : « Agis avec nous selon ta
clémence » (3,42).
Dieu
diffuse sur la terre le don des eaux qui sont au-dessus des cieux
La seconde prière du chapitre 3 de Daniel va du verset 52 au
verset 90 ; elle est le contexte immédiat de notre Antienne
d’ouverture. Les versets 56-88 ont été
intégrés dans la prière de Laudes du Dimanche de
la première et de la troisième semaine de la Liturgie des
Heures.
Jean-Paul II, dans ses catéchèses de l’Audience
générale du mercredi, du 28 mars 2001 au 1er octobre 2003
(Benoît XVI continue avec la liturgie des vêpres), a
commenté les psaumes des Laudes matinales.
A propos du Cantique de Daniel, Jean-Paul II déclarait le 10
juillet 2002 :
« Le Cantique des
trois jeunes fait défiler devant nos yeux une sorte de
procession cosmique, qui part du ciel peuplé d'anges, où
brillent également le soleil, la lune et les étoiles.
D'en haut, Dieu diffuse sur la terre le don des eaux qui sont au-dessus
du ciel (cf. v. 60), c'est-à-dire les pluies et les
rosées (cf. v. 64).
Voilà cependant
que soufflent également les vents, qu'explosent les
éclairs et que font irruption les saisons avec la chaleur et le
gel, avec l'ardeur de l'été, mais également le
givre, la glace, la neige (cf. vv. 65-70.73). Le poète inclut
également le rythme du temps au chant de louange, le jour et la
nuit, la lumière et les ténèbres (cf. vv. 71-72).
A la fin, le regard se pose également sur la terre, en partant
des sommets des montagnes, des réalités qui semblent
relier le ciel et la terre (cf. vv. 74-75).
C'est alors que
s'unissent à la louange de Dieu les créatures
végétales qui germent sur la terre (cf. v. 76), les
sources qui apportent vie et fraîcheur, les mers et les fleuves
avec leurs eaux abondantes et mystérieuses (cf. vv. 77-78). En
effet, le poète évoque également les "monstres
marins" aux côtés des poissons (cf. v. 79), comme signe du
chaos aquatique primordial auquel Dieu a imposé des limites
à observer (cf. Ps 92, 3-4; Jb 38, 8-11; 40, 15-41, 26).
C'est ensuite le tour du
vaste règne animal dans sa variété, qui vit et qui
évolue dans les eaux, sur la terre et dans les cieux (cf. Dn 3,
80-81).
Le dernier acteur de la
création qui entre en scène est l'homme. Le regard
s'étend tout d'abord à tous les "enfants de l'homme" (cf.
v. 82); puis l'attention se concentre sur Israël, le peuple de
Dieu (cf. v. 83); c'est ensuite le tour de ceux qui sont
pleinement consacrés à Dieu non seulement comme
prêtres (cf. v. 84), mais également comme témoins
de la foi, de la justice et de la vérité. Ce sont les
"serviteurs du Seigneur", les "esprits et les âmes des justes",
les "saints et les humbles de coeur" et, parmi eux, apparaissent les
trois jeunes, Ananias, Azarias et Misaël, qui se sont faits la
voix de toutes les créatures, dans une louange universelle et
éternelle (cf. vv. 85-88).»
Quand
on exalte Dieu, ce n’est jamais seul qu’on le fait !
Peut-être quelqu’un me dira-t-il : « Tout ceci dans deux
petits versets ! Une antienne d’ouverture contient tous ces
thèmes ? » Oui, cher lecteur, un seul verset biblique,
s’il est bien lu, prié, contient toute la Parole de Dieu !
Efforçons-nous maintenant de relire ce qui précède
‘‘en’’ et ‘‘avec’’ Padre Pio. Notre Sainte Mère l’Eglise, en
canonisant le Poverello du Gargano, l’a placé au sommet de la
troupe cosmique qui loue le Seigneur. Saint Pio est ‘‘le prêtre
du Seigneur’’, le ‘‘saint et humble de cœur’’ qui ‘‘bénit’’ et
‘‘loue’’ son Dieu. Saint Pio, quand il priait, prêtait sa voix
à toutes les créatures célestes et terrestres qui
sans interruption reconnaissent le primat du Créateur sur la
créature.
Quand notre Saint Fondateur souffrait et se sanctifiait par la croix
quotidienne, il rassemblait dans son corps les gémissements de
la création (Rm 8,22), des hommes (Rm 8,23) et de l’Esprit
lui-même qui «
intercède avec insistance pour nous, avec des
gémissements ineffables » (Rm 8,26).
Saint Ambroise, que Jean-Paul II citait dans la catéchèse
sur le cantique de Daniel, prêtant sa voix à la terre, lui
fait dire : « Le soleil est
vraiment bon, car il est utile, il aide ma fécondité, il
alimente mes fruits. Il m'a été donné pour mon
bien, il est soumis avec moi à la même œuvre. Il
gémit avec moi, pour que vienne le temps de l'adoption des fils
et de la rédemption du genre humain, afin que nous puissions
nous aussi être libérés de l'esclavage. A mes
côtés, avec moi, il loue le Créateur, avec moi, il
élève une hymne au Seigneur notre Dieu. Là
où le soleil bénit, la terre bénit, les arbres
fruitiers bénissent, les animaux bénissent, les oiseaux
bénissent avec moi. » (Les six jours de la
création, SAEMO, I, Milan-Rome 1977-1994, pp. 192-193)
Si la terre, le soleil, les arbres, les animaux, les oiseaux chantent
Dieu : ‘‘où’’ et ‘‘comment’’ cela se réalise-t-il,
pouvons-nous nous demander ? N’est-ce pas dans le Cœur de l’homme ?
N’est-ce pas sur la ‘‘terre vierge’’ qu’est le cœur des saints, de
saint Pio ? Quand on exalte Dieu, ce n’est jamais seul qu’on le fait,
mais en compagnie de toutes les créatures, dans un chœur
cosmique !
Saint Pio est maintenant immergé dans a louange sans fin qui
monte vers Dieu par la liturgie céleste et également par
la liturgie terrestre. En puisant dans l’expérience de beaucoup,
j’ai pu acquérir dans ma propre existence une proximité
avec Padre Pio. Cela est toujours vrai ! Et très
réconfortant ! Tous, nous faisons partie de cette splendide
liturgie de louange. Les saints, et Padre Pio parmi eux, en font partie
d’une manière tout à fait particulière. Padre Pio
est proche de chacun de nous ! Il prend les paroles de notre
prière et les présente au Seigneur. Nous seuls pouvons
interrompre ce dialogue, ce chant, quand notre péché
vient malencontreusement nous mettre hors du chœur cosmique de la
louange, donc de la communion des saints, donc de l’union sponsale dans
l’amour et le sang avec le Seigneur Jésus, tendus vers le
Père dans l’Esprit Saint !
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