"Le Seigneur m'a envoyé porter la
Bonne Nouvelle aux pauvres,
promulguer l'Année de miséricorde du Seigneur" (Is
61,1-2)
Les
psaumes, livre de la prière immémoriale, ont aussi pour
fonction glorieuse entre toutes d’accompagner par des chant de joie
soit la proclamation de l’Evangile soit la participation à la
Table divine.
L’Antienne présuppose le psaume en entier et ne peut donc
être réduite à un simple verset, que souvent
d’ailleurs on ne lit pas, un chant de communion lui étant
substitué (chant qui lui est souvent, trop souvent, bien
inférieur !) Nous devrions plutôt avoir en tête une
scène comme celle-ci : la nuit de Pâques, dans la
cathédrale, sous la présidence de l’Evêque, en
présence des prêtres, des religieux et des religieuses,
l’ensemble du peuple, la Parole ayant été
proclamée et accueillie, se dirige en procession et dans un
chant de joie vers l’autel pour recevoir le Corps du Christ. Avec une
telle image dans les yeux et dans le cœur, lisons l’Antienne de
Communion de la Messe propre de Saint Pio, tirée du Livre
d’Isaïe (61,1-2) :
« L'Esprit du
Seigneur est sur moi
parce que le Seigneur m'a
consacré par l'onction.
Il m'a envoyé
porter la bonne nouvelle aux pauvres,
guérir ceux qui
ont le coeur brisé,
annoncer aux prisonniers
la délivrance
et aux captifs la
liberté,
annoncer l’année
de miséricorde du Seigneur. »
Nous avons préféré citer l’ensemble du texte du
prophète et même nous aurions dû continuer avec la
suite du verset 2, avec le verset 3, puis avec Is 58, 1-11 et 35,1-6.
Ce sont des textes absolument décisifs puisque, avec une
sûreté souveraine, Jésus se les appliquera, dans la
synagogue de Nazareth, ave la conscience d’être Celui qui
réalise toute la Promesse antique (Lc 4,16-21).
Que voulait dire le
prophète Isaïe ?
Le chapitre 61 appartient à ce que l’on
appelle le ‘‘Troisième Isaïe’’, un prophète dans a
lignée du Premier et du Second Isaïe. Après le
retour de l’Exil, au milieu du 6ème siècle av. J.C.,
à un Peuple qui n’a pas encore repris la vie religieuse dans la
plénitude escomptée, le prophète annonce un
avènement fastueux : il verra le Seigneur lui-même
demeurer au milieu de son peuple, faisant de ce peuple son Epouse.
« L’Esprit du Seigneur est sur moi » est la
‘‘formule de possession’’ que Dieu exerce par son Esprit tout-puissant
sur Celui qu’il a choisi, Esprit qui repose durablement sur ce
personnage décisif de l’Ancien Testament. Aux actes que
l’impulsion de l’Esprit Saint fait faire à l’Elu, on
reconnaît les fonctions qui sont les siennes.
Avant tout, l’Esprit du Seigneur l’oint, c’est-à-dire le
consacre par le signe qui, comme un sceau, signifie la possession
durable et effective par Dieu de l’Elu. Or, l’onction
consécratoire est propre aux prêtres (Lv 8-9) et au roi (1
S 1,11-13). Elle est prévue pour le Roi Messie (Ps 2,2.6), le
Fils de David (Ps 88,21), devenant pour lui onction de joie divine et
nuptiale (Ps 44,8). La possession divine et l’onction de l’Esprit du
Seigneur confèrent au Roi Messie, qui est aussi Prêtre,
Prophète et Epoux, les sept Dons sapientiaux dans leur
plénitude (Is 11,1-10), en vue de la fonction qu’il doit exercer
au milieu de son peuple, le peuple de Dieu. Mais l’Esprit du Seigneur
est également donné par Dieu, pour sa mission
rédemptrice, au Serviteur proyal, prophétique, sacerdotal
et souffrant (Is 42,1 ; 48,16 ;44,3).
Nous nous demandons alors : qui est cet Elu ? le prophète
lui-même ? le peuple tout entier ? le Messie à venir ?
Nous savons avec certitude que Jésus s’est appliqué ce
texte, comme nous le verrons. Et de Jésus, comme en cascade,
l’élection de Dieu atteint chacun de nous ; la réponse de
certains a été totale au point qu’elle est devenue
exemplaire : Padre Pio est l’un de ceux-là.
Le prophète (Troisième Isaïe)
décrit ensuite les autres fonctions de l’Oint du Seigneur, dont
l’Esprit l’a doté.
- « porter la bonne nouvelle aux pauvres » : c’est
la première fonction, parce que le Seigneur (qui envoie) aime
tous les hommes, mais avec une préférence pour ses
pauvres, les fidèles et les bons.
- « proclamer l’année de miséricorde de la part du
Seigneur » : C’est une vision lumineuse. Le Seigneur
venant comme un Epoux au milieu de son peuple, revêt son Epouse
du manteau nuptial, la Grâce, associée ici avec un des
symboles théologiques les plus forts : l’Année de
miséricorde, l’Année du Jubilée (Lv 25,8-22),
l’Année des Bienfaits pléniers, universels.
Le Christ
réalise la promesse (Lc 4,16-21)
Dans la synagogue de Nazareth, après avoir lu
le passage d’Isaïe, Jésus commente : « Aujourd’hui, cette parole de
l’Ecriture que vous venez d’entendre, s’accomplit » (Lc
4,21). La traduction ne rend pas l’original qui devrait être
traduit plus ou moins comme ceci : « Aujourd’hui, en ce moment
où cette parole écrite retentit à vos oreilles,
elle est accomplie par mon Père. » En d’autres termes, la
promesse a été tenue. « L’Elu, le Roi, le Messie,
le Prêtre, l’Epoux, le Serviteur : je le suis – semble dire
Jésus -, parce que je suis envoyé par le Père et
que j’agis sous l’action continue de l’Esprit Saint. » Le
Jubilée apporté par le Christ sera l’œuvre de l’Esprit
Saint du Seigneur, avec des effets au plus profond des hommes
pécheurs, souffrants, opprimés, pauvres, sans avenir
(C’EST LE SOULAGEMENT DE LA SOUFFRANCE !)
Le même Evangéliste, Luc, dans les Actes des
Apôtres, résumera ainsi toute l’œuvre de Jésus : «Jésus de Nazareth, Dieu l'a
consacré par l'Esprit Saint et rempli de sa force. Là
où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous
ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu
était avec lui. » (10, 38)
Padre Pio et nous
La Lex orandi, nous invite maintenant à
relire l’ensemble de ces éléments ‘‘en’’ Padre Pio et
‘‘en’’ nous. La Saint Eglise, ayant choisi ce passage comme Antienne de
Communion pour la Messe propre de Saint Pio, veut nous enseigner que
Padre Pio appartient à la cohorte des Elus de Dieu, sur les pas
de l’Unique Engendré, qui portent ‘‘la bonne nouvelle aux
pauvres’’ et prolongent au cours des siècles ‘‘l’Année de
miséricorde du Seigneur’’.
Répondant à Padre Pio, le Père Benedetto
écrivait : « Tu
voudrais quelqu’un près de toi, dans la période que tu
traverses ; pour ma part, je ne sais ce que je ferais pour pouvoir te
voir dans un couvent et précisément ici à mes
côtés. En attendant, éloigné comme je le
suis, l’unique conseil que je puis te donner est de ne pas cesser de
faire autre chose que ce que l’Esprit Saint désire ardemment
faire en toi. Abandonne-toi à ses transports et ne crains pas ;
il est si sage, suave et discret qu’il ne suscite que le bien. » (Lettre
18, septembre 1910)
Deux mois plus tard, dans sa lettre du 29 novembre
1910, Padre Pio s’abandonnait totalement et joyeusement au Seigneur, et
dans l’obéissance à son directeur demandait à
s’offrir en victime pour les pécheurs et les âmes du
purgatoire :
« Patience ! Je souffre, il est vrai, mais je m’en
réjouis, puisque vous m’avez assuré que cela n’est pas
abandon de la part de Dieu mais plutôt raffinement de son amour
très délicat. J’espère que le Seigneur voudra
accepter mes souffrances en satisfaction des innombrables
dégoûts que je lui ai causés. Enfin, qu’est-ce que
je souffre en comparaison de ce que j’ai mérité pour mes
péchés ?
Mais peu importe ce qu’il en est, pour moi il me suffit de savoir que
tout cela, c’est Dieu qui le veut et je suis content tout de
même. Et enfin maintenant, je viens, mon Père, vous
demander une permission. Depuis longtemps, je sens en moi un besoin,
celui de m’offrir au Seigneur comme victime pour les pauvres
pécheurs et pour les âmes du purgatoire.
Ce désir est allé en grandissant toujours plus dans mon
cœur au point qu’il est maintenant devenu, pour ainsi dire, une forte
passion. J’ai fait, il est vrai, plusieurs fois, cette offrande au
Seigneur, en le conjurant de vouloir déverser sur moi les
châtiments qui sont préparés pour les
pécheurs et pour les âmes du purgatoire, même en les
centuplant pour moi, pourvu qu’il convertisse et sauve les
pécheurs, et qu’il admette bientôt les âmes du
Purgatoire au Paradis ; mais, maintenant, je voudrais faire cette
offrande au Seigneur avec votre permission. Il me semble que
Jésus le veut vraiment. Je suis sûr que vous ne verrez pas
de difficultés à m’accorder cette permission. »
Comme le Christ, comme le Roi-Messie-Prêtre-Serviteur souffrant,
Padre Pio s’offrira à plusieurs reprises en Victime pour les
pécheurs, pour les âmes du purgatoire, pour le Pape, pour
ses confrères, pour les souffrants, pour la fin de la guerre.
Nous aussi, qui chantons l’Antienne de Communion et allons boire au
calice du Christ Eucharistie, nous devons porter à l’autel notre
désir de donner notre vie pour le ‘‘soulagement de la
souffrance’’ de tous ceux que Dieu place sur notre chemin.
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