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"
Chantons au Seigneur un chant nouveau ! "
L'invitation de l'antienne d'ouverture exprime bien la joie de nombreux fidèles
qui depuis longtemps attendent l'élévation aux honneurs des autels du Padre
Pio de Pietrelcina. Cet humble frère capucin a étonné le monde par sa vie
entièrement consacrée à la prière et à l'écoute de ses frères.
D'innombrables personnes se sont rendues au couvent de San Giovanni Rotondo
pour le rencontrer et les pèlerinages, même après sa mort, n'ont pas cessé.
Quand j'étais étudiant ici, à Rome, j'eus moi-même l'occasion de le connaître
personnellement et je rends grâce à Dieu qui me donne aujourd'hui la possibilité
de l'inscrire dans la liste des bienheureux.
Ce
matin, guidés par les textes de la liturgie du cinquième dimanche de Pâques
à l'intérieur de laquelle se place la célébration de sa béatification, nous
relisons les aspects marquants de son expérience spirituelle.
" Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en
moi " (Jn 14, 1).
Dans la page évangélique qui vient d'être proclamée, nous avons entendu les
paroles de Jésus aux disciples, qui avaient besoin d'un encouragement. En
effet, l'allusion à son départ prochain les avait jetés dans le désarroi.
Ils craignaient d'être abandonnés, de rester seuls, et le Seigneur les réconforte
par une promesse précise : " Je pars vous préparer une place ", puis "
je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi
" (Jn 14, 2-3).
A cette affirmation, les Apôtres répondent par la voix de Thomas : " Seigneur,
nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin
? " (Jn 14, 5). L'observation est pertinente, et Jésus ne se dérobe pas
devant la question implicite. La réponse qu'il donne restera au long des siècles
une lumière limpide pour les générations à venir : " Moi, je suis le Chemin,
la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi "
(Jn 14, 6).
La place que Jésus va préparer est dans la maison du Père ; là, le disciple
pourra être éternellement avec le Maître et participer à sa joie elle-même.
Cependant, pour atteindre ce but, le chemin est unique : c'est le Christ,
auquel le disciple doit progressivement se conformer. La sainteté consiste
précisément en ceci : ce n'est plus le chrétien qui vit, mais le Christ qui
vit en lui (cf Ga 2, 20). But exaltant, qui s'accompagne d'une promesse tout
aussi réconfortante : "Celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres
que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père
" (Jn 14, 12).
En écoutant ces paroles du Christ, notre pensée va à l'humble capucin du Gargano.
Avec quelle évidence elles se sont réalisées pour le bienheureux Pio de Pietrelcina
!
" Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu… ". Qu'a donc
été la vie de cet humble fils de saint François, si ce n'est un exercice constant
de foi, affermi par l'espérance du Ciel, afin de pouvoir être avec le Christ
?
" Je pars pour préparer une place…et là où je suis, vous y serez aussi
". Quel autre but a eu la très exigeante ascèse à laquelle Padre Pio s'est
soumis depuis sa tendre enfance, si ce n'est l'identification progressive
au divin Maître, pour être " là où il était " ?
Les
personnes qui se rendaient à San Giovanni Rotondo pour participer à sa messe,
pour lui demander conseil ou pour se confesser, découvraient en lui une image
du Christ souffrant et ressuscité. Sur le visage du Padre Pio resplendissait
la lumière de la Résurrection. Son corps, marqué par les " stigmates ", faisait
apparaître la relation profonde entre la mort et la Résurrection, qui caractérise
le Mystère pascal. Pour le bienheureux de Pietrelcina, la participation à
la Passion a eu des accents d'une intensité toute spéciale : les dons singuliers
qui lui furent accordés et les souffrances intérieures et mystiques qui les
accompagnaient lui permirent de faire l'expérience d'être associé constamment
aux souffrances du Seigneur, avec une conscience permanente que " le Calvaire
est la montagne des saints ".
Les épreuves qu'il dut supporter en conséquence, peut-on dire, de ses charismes
particuliers ne furent pas moins douloureuses, elles furent même peut-être
encore plus cuisantes humainement parlant. Dans l'histoire de la sainteté,
il arrive quelquefois que l'élu, par une permission spéciale de Dieu, soit
l'objet d'incompréhensions. Quand cela se vérifie, l'obéissance devient pour
lui un creuset de purification, un chemin d'assimilation progressive au Christ,
un affermissement de la sainteté authentique. A ce sujet, le nouveau bienheureux
écrivait à l'un de ses supérieurs : " J'agis seulement pour vous obéir,
le bon Dieu m'ayant fait connaître que c'est l'unique chose qui lui plaise
le plus et pour moi l'unique moyen d'espérer le salut et de chanter victoire
" (Lettres I, p.807).
Lorsque la " tempête " s'est abattue sur lui, il a pris pour règle de son
existence l'exhortation de la première lettre de saint Pierre que nous venons
d'écouter : " Approchez-vous du Christ : il est la pierre vivante "
(cf 1 P 2, 4). De cette manière, il est devenu lui aussi une " pierre vivante
", pour la construction de l'édifice spirituel qui est l'Eglise. Et de cela,
aujourd'hui nous rendons grâce au Seigneur.
" Vous aussi, soyez les pierres vivantes qui servent à construire le temple
spirituel " (1 P 2, 5). Combien ces paroles apparaissent pertinentes lorsqu'on
les applique à l'extraordinaire expérience ecclésiale qui s'est développée
autour du nouveau bienheureux ! De nombreuses personnes qui l'ont rencontré
directement ou indirectement ont retrouvé la foi ; à son école, dans tous
les coins du monde, les " groupes de prière " se sont multipliés. Aux personnes
qui accouraient vers lui, il proposait la sainteté, leur répétant : " Il
semble que Jésus n'ait pas d'autre soin à prodiguer que de sanctifier votre
âme " (Lettres II, p.155).
Si
la Providence divine a voulu qu'il agisse sans jamais se déplacer de son couvent,
presque "planté" au pied de la Croix, cela n'est pas sans signification. Le
divin Maître dut un jour le consoler, dans un moment d'épreuves particulières,
en lui disant que " sous la Croix on apprend à aimer " (Lettres I,
p.339).
Oui, la Croix du Christ est l'insigne école de l'amour ; ou mieux encore la
" source " même de l'amour. Purifié par la souffrance, l'amour de ce fidèle
disciple attire les cœurs au Christ et à son Evangile exigeant du salut.
En même temps, sa charité se répandait comme un baume sur les faiblesses et
les souffrances de ses frères. Padre Pio unissait ainsi au zèle pour les âmes
l'attention aux souffrances humaines, se faisant, à San Giovanni Rotondo,
le promoteur d'une structure hospitalière, appelée par lui Casa Sollievo
della Sofferenza (Maison du Soulagement de la Souffrance). Il a voulu
en faire un hôpital de première catégorie, mais surtout il se préoccupa qu'on
y pratique une médecine vraiment humanisée, où les relations avec les malades
soient empreintes de la sollicitude la plus chaleureuse et de l'accueil le
plus cordial. Il savait bien que ceux qui sont malades et qui souffrent ont
besoin non seulement d'une utilisation correcte des moyens thérapeutiques,
mais aussi et surtout d'un climat humain et spirituel qui leur permette de
se retrouver eux-mêmes dans la rencontre avec l'amour de Dieu et la tendresse
de leurs frères.
Avec
la Casa Sollievo della Sofferenza, il a voulu montrer que les " miracles
ordinaires " de Dieu passent par notre charité. Nous devons nous rendre disponibles
pour le partage et le service généreux de nos frères, en nous servant de toutes
les ressources de la science médicale et de la technique.
L'écho
que cette béatification suscite en Italie et dans le monde est un signe que
la réputation du Padre Pio, fils d'Italie et de François d'Assise, est parvenue
à rejoindre tous les continents. Je suis heureux de saluer tous ceux qui se
sont rassemblés ici, en commençant par les autorités italiennes, qui ont voulu
être présentes : Monsieur le Président de la République, Monsieur le Président
du Sénat, Monsieur le Président du Conseil des ministres, qui conduit la délégation
officielle, les nombreux ministres et les différentes personnalités. L'Italie
est vraiment dignement représentée ! Mais aussi de nombreux fidèles d'autres
nations sont venus ici pour rendre hommage au Padre Pio. A tous ceux qui sont
venus des environs ou de plus loin j'adresse mon salut affectueux, avec une
pensée spéciale pour les Pères capucins. A tous un merci cordial !
Je voudrais conclure avec les paroles de l'Evangile de cette messe : "
Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
" C'est à cette exhortation du Christ que se réfère le conseil que le
nouveau bienheureux ne se lasse d'adresser aux fidèles : "Reposez-vous
totalement sur le Cœur de Jésus comme un enfant entre les bras de sa mère.
" Que cette invitation pénètre aussi dans notre esprit pour devenir source
de paix, de sérénité et de joie ! Pourquoi avoir peur si le Christ est pour
nous le Chemin, la Vérité et la Vie ? Pourquoi ne pas avoir confiance en Dieu
qui est Père, notre Père ?
Puisse " sainte Marie de toutes grâces ", que l'humble capucin de Pietrelcina
a invoqué avec une dévotion tendre et constante, nous aider à garder le regard
fixé sur Dieu. Puisse-t-elle nous prendre par la main et nous pousser à rechercher
inlassablement la charité surnaturelle qui jaillit du côté transpercé du Crucifié.
Et toi, bienheureux Padre Pio, du Ciel, tourne ton regard vers nous qui sommes
rassemblés sur cette place et sur ceux qui prient sur la place Saint-Jean-de-Latran
et à San Giovanni Rotondo. Intercède pour tous ceux qui, dans toutes les parties
du monde, s'unissent spirituellement à cette béatification, faisant monter
vers toi leurs supplications. Viens au secours de chacun et donne la paix
et le réconfort à toutes les âmes. Amen !
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