Mon bien cher
Père,
Que Jésus comble votre esprit de ses
grâces les plus belles et vous donne de goûter à la
douceur d’une croix portée chrétiennement !
Comme il est doux, mon Père, ce mot de :
croix ! Ici, au pied de la croix, les âmes se revêtent de
lumière, s’enflamment d’amour, mettent des ailes pour atteindre
des cieux plus élevés.
Que cette même croix soit également
notre lit de repos, notre école de perfection, notre
héritage bien-aimé ! Dans ce but, gardons-nous de la
séparer de l’amour que nous portons à Jésus : sans
celui-ci, elle deviendrait un fardeau que notre faiblesse ne saurait
supporter.
Que la Vierge des Douleurs nous obtienne de son Fils
de nous faire pénétrer toujours plus avant dans ce
mystère et de nous enivrer des souffrances de Jésus! La
plus grande preuve d’amour consiste à souffrir pour l’être
aimé. Par conséquent, comme le Fils de Dieu a subi tant
de souffrances par pur amour, il ne fait aucun doute que la croix qu’il
a portée devient aussi aimable que l’amour.
Que la Sainte Vierge nous obtienne d’aimer la croix,
les souffrances et les douleurs ! Puisqu’elle fut la première
à mettre l’Evangile en pratique dans toute sa perfection et sa
sévérité, et cela avant même qu’il ne soit
publié, qu’elle nous l’obtienne à nous aussi et nous
donne d’être toujours à ses côtés.
Efforçons-nous aussi, à l’exemple de
tant d’âmes élues, de nous tenir toujours derrière
cette Mère bénie et de marcher à sa suite, car il
n’y a pas d’autre chemin qui conduise à la vie que celui que
notre Mère emprunte : ne nous en détournons pas, si nous
voulons atteindre notre but.
Restons toujours
unis à notre Mère si chère : avec elle, sortons de
Jérusalem auprès de Jésus, car Jérusalem
symbolise l’obstination du peuple juif, du monde qui rejette
Jésus-Christ et le renie. D’ailleurs, Jésus a
déclaré s’en être séparé, car il a
dit : “Je ne suis pas de ce monde”
et il l’a exclu de sa prière à son Père : “Je ne prie pas pour le monde”.
Oui, Père, sortons de cette Jérusalem
reniée, déicide et ouvertement infidèle et portons
avec Jésus l’opprobre glorieux de la croix.
C’est ce à quoi l’Apôtre nous invite : “Par conséquent, pour aller
à lui, sortons en dehors du camp” ; en cela, il reprend
l’appel du divin Maître : “Si
quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même,
qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive”. Gardons les
yeux fixés sur cette noble et sainte foule qui suit Jésus
au Golgotha : il n’y en a pas un seul qui ne porte la profession de la
vraie foi sur le front, l’abnégation au fond du cœur et la croix
sur les épaules. Exhortons-nous à faire partie de ce
peuple entreprenant chez qui toutes les consolations s’unissent
à tous les sacrifices, tous les espoirs à toutes les
vertus.
Veillons bien à ne jamais nous laisser
troubler par quelque triste accident qui pourrait survenir : en effet,
ce sentiment est toujours lié à notre imperfection,
puisqu’il puise ses racines dans l’égoïsme et
l’amour-propre. En outre, plus notre cœur est inquiet, plus les assauts
de l’adversaire se font fréquents et directs, car il profite de
notre faiblesse naturelle qui nous empêche de prendre le droit
chemin de la vertu.
L’ennemi de notre salut ne sait que trop que la paix
du cœur est le signe certain de l’aide divine ; par conséquent,
il ne néglige aucun effort pour nous la faire perdre. C’est
pourquoi nous devons être très vigilants sur ce point.
Jésus nous viendra en aide. Mon Père, pardonnez-moi si je
suis effronté : j’oubliais à qui j’écris.
En ce qui concerne
le voyage que ces deux personnes veulent entreprendre, qu’elles le
fassent donc. Je n’ai jamais ignoré que la région
tyrrhénienne n’est pas zone de guerre, mais, en
vérité, je ne crois pas que ce voyage sera paisible.
Je tiens aussi à recommander vivement
à vos prières le pauvre Père Evangelista, qui se
trouve, à ce qu’il me semble, dans une grande détresse.
Que Jésus veuille le consoler au plus vite !
Au revoir, mon Père, où et quand Dieu
le voudra ; en attendant, ne me refusez pas votre
bénédiction paternelle et sincère devant
Jésus.
Votre pauvre enfant,
fra Pio, capucin
|