Le
Gloria de la Messe nous renvoie aux deux moments principaux de la
manifestation de la Gloire divine dans l’Evangile : Noël et
Pâques. (Rappelons qu’il est omis durant l’Avent et le
Carême, périodes préparatoires à ces deux
fêtes.)
Rien n’est dit de cette partie de la messe, en relation directe avec
Padre Pio. Prenons alors appui sur "sa" conception de la gloire, en
rapport avec ses deux fêtes, comme avec la Transfiguration.
Noël, d’abord.
Nous savons tous l’émerveillement de Padre
Pio lors de cette fête qui célèbre la naissance du
Dieu-Homme. Jésus est la Lumière qui éclaire le
monde désormais ; il est, ainsi qe Padre Pio l’écrit dans
une méditation sur l’Epiphanie, la véritable
étoile qui guidait les mages, qui nous guide au milieu des
ténèbres. Or, quelles sont les ténèbres les
plus profondes, sinon celles du péché ?
Justement, le Gloria est proclamé après la prière
pénitentielle, où la miséricorde divine a
été affirmée et donnée. Comment ne pas nous
en réjouir, nous en émerveiller ? Gloire à Dieu…
Vrai chant des anges, comme un nouveau Noël, ainsi que le dit
Jésus : « Il y a de la
joie chez les anges du ciel pour un seul pécheur qui se
convertit » (Lc 15,10).
La gloire de Noël n’est cependant pas
définitive et totale. L’histoire du monde se poursuit, et avec
elle l’histoire de chaque homme, heureuse et dramatique. La gloire est
en avant de nous. Il s’agit alors de ne pas s’arrêter à ce
qui est certes donné par Dieu, mais n’est que transitoire. Ce
qui est fondamental, c’est d’être avec Jésus, c’est qu’Il
soit avec nous. Ainsi Padre Pio écrivait-il à ses filles
spirituelles :
« Dites-moi, mes chères filles, vous savez bien
qu’à la naissance de notre Seigneur, les bergers ont entendu les
chants angéliques et divins des esprits célestes.
L’Ecriture nous le dit, mais elle ne dit pas que la Vierge sa
Mère et saint Joseph, qui étaient les plus proches de
l’Enfant, entendirent la voix des Anges et virent ces splendeurs
miraculeuses. Au contraire, au lieu d’entendre les angelots chanter,
ils entendaient l’Enfant pleurer et ils voyaient, dans la
lumière émise par une pauvre lampe, les yeux de ce divin
Enfant tout baignés de larmes, tremblant de froid.
Alors, je vous le demande : N’auriez-vous pas choisi d’être dans
l’étable obscure et pleine des cris du petit Enfant,
plutôt que d’être avec les bergers, tout entiers pris par
la jubilation de la douce mélodie céleste et la
beauté de cette splendeur admirable? Si,
très certainement. Vous vous seriez exclamé, vous aussi,
comme saint Pierre : Il est bon que nous soyons ici…
C’est bien là que vous vous trouvez, auprès de l’Enfant
Jésus, tremblant de froid dans la grotte de Bethléem ; et
plus encore : vous n’êtes pas sur le Thabor avec saint Pierre,
mais sur le Calvaire avec les Marie, où vous ne voyez que mort,
clous, épines, impuissance, ténèbres
extraordinaires, abandon et déréclition. Aussi, je vous
invite à aimer la crèche de l’Enfant de Bethléem,
à aimer le Calvaire du Dieu crucifié dans les
ténèbres. Tenez-vous auprès de lui et soyez
certaines que Jésus demeure en vos cœurs plus que vous ne pouvez
le croire et l’imaginer. » (Lettre aux sœurs Ventrella,
1er octobre 1917)
Le Thabor est le lieu de la Transfiguration, le Calvaire le lieu
de la Crucifixion. Pour Padre
Pio, il s’agit de la même montagne, celle où la Gloire et
la Croix, la Lumière et les ténèbres, sont
mêlées.
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Mais
il ne s’agit pas là d’une réalité floue,
indécise ou abstraite : la
contemplation de Jésus nous fait entrer réellement dans
ce mystère – en
entendant ici le mot "mystère" non pas d’abord comme ce qui est
caché,
mais à la suite de saint Paul comme ce qui se
révèle inépuisablement,
sans fin.
Que la contemplation de Jésus
nous fasse entrer dans le mystère de la
Croix et de la Gloire, deux textes de Padre Pio parmi tant d’autres,
l’affirment clairement :
- « Jésus glorifié est beau, mais pour autant qu’Il
le soit, je crois qu’Il l’est plus encore, crucifié. »
- « Regarde combien le visage de notre très doux
Jésus est beau !
Combien ses yeux sont doux ! Quel bonheur nous avons d’être
près de lui
sur la montagne de sa gloire ! Dès maintenant et sans
mérite de notre
part, la divine miséricorde nous donne le bonheur de monter au
Calvaire
; dès maintenant, nous avons été rendus dignes de
suivre le Maître
céleste. »
Le Thabor ouvre sur le Calvaire, puis le Calvaire
sur le Thabor
éternel, c’est-à-dire la résurrection,
la vie éternelle avec Dieu, la
plénitude de la gloire. La présence constante de la
gloire divine à
Noël, à la transfiguration, à la Croix, dans la
résurrection et la vie
éternelle, présence parfois obscure, parfois manifeste,
parcourt le
Nouveau Testament, en particulier l’Evangile selon saint Jean. A partir
de cet Evangile notamment, on pourrait développer le lien entre
la
gloire et la Trinité, ce qui apparaît très
explicitement dans le texte
liturgique du Gloria. Notons que cette dimension trinitaire
apparaît
moins dans les textes de Padre Pio. Mais elle fut présente en
son
existence, n’en doutons pas. Le témoignage du Père
Carré, célèbre
dominicain français, le dit bien :
« Padre Pio vivait un long calvaire. Jamais personne ne m’a
laissé une
telle impression de force contenue, de bon sens, de joie teintée
d’humour et de paix. Je n’attardais pas mon regard sur les stigmates de
ses mains, que j’ai vus nettement. Il était habité par
l’Esprit :
aussi, sans paradoxe, était-ce plutôt à tous les
disciples de Jésus que
je pensais, y compris les plus ordinaires. Le lien entre la croix du
Christ et la présence de l’Esprit était éclatant
à San Giovanni
Rotondo. C’est pourquoi j’évoquais tant de personnes que je
connais,
parmi les riches et parmi les pauvres, qui sont accablées dans
leur
corps et dans leur cœur. Ils ignorent encore qu’ils peuvent livrer ce
dont ils souffrent au Saint-Esprit de Dieu. En donnant un sens à
leur
croix, l’Esprit ferait d’eux, déjà – comme du Padre Pio
-, les fils de
la Résurrection. » (Chaque jour je commence, p.132)
C’est tout cela que nous chantons dans le Gloria de
la messe, tout cela
qu’il nous est donné de contempler lorsque l’Hostie
consacrée et le
calice sont élevés après la consécration,
lorsque le Saint-Sacrement
est exposé pour l’adoration. Cette contemplation, cette
adoration est
aussi une prière, ainsi que le recommande Padre Pio :
« Tournez votre pensée vers Jésus crucifié,
son corps déposé entre vos
bras, et dites : Voilà mon espérance, la source de ma
joie ! Je
m’attache à toi de tout mon être, et je ne te
lâcherai pas avant que tu
m’aies mis en sûreté. »
Comme la nuée guidait Moïse et le Peuple
dans le désert, la Gloire
miséricordieuse de Jésus, notamment telle qu’elle
resplendit dans
l’Eucharistie, accompagne l’Eglise, chaque baptisé, en ce monde.
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