L’offertoire
était l’un des moments les plus marquants de la ‘‘messe de Padre
Pio’’. Padre Pio restait immobile de longues minutes, parfois
jusqu’à une demi-heure, l’hostie puis le calice levés
devant ses yeux où, souvent, des larmes venaient. C’est comme
s’il était pris par une force mystérieuse. On
lui demanda un jour : « Pourquoi pleurez-vous pendant
l’offertoire ? » Padre Pio répondit :
« C’est parce qu’à ce moment,
l’âme est séparée du profane. »
Plus
qu’auparavant encore, le Seigneur séparait son serviteur de
toute réalité secondaire, le rendait parfaitement
indifférent à ce qui se passait autour de lui.
Si Padre Pio vivait l'ensemble de la Messe comme le sacrifice et la
passion de Jésus, et le moment de la consécration comme
la crucifixion de Jésus (il s’accordait en cela avec
l’enseignement de l’Eglise, réaffirmé récemment
dans l’encyclique de Jean-Paul II « L’Eglise vit de
l’Eucharistie »), on peut considérer que l’offertoire
le renvoyait au temps précédent cette crucifixion. Un
passage de sa correspondance fait un parallèle entre le
dépouillement que Jésus subit avant la crucifixion et la
séparation des choses profanes, que nous venons d’évoquer
pour l’offertoire :
« Sur le mont Calvaire, habitent les cœurs que
l’Epoux céleste favorise de son amour divin… Mais fais attention
à ce que je vais dire : Les habitants de cette colline doivent
être dépouillés de toutes habitudes et affections
terrestres, de même que leur roi fut dépouillé des
vêtements qu’il avait lorsqu’il y arriva. Remarque, ma bonne
petite fille, les vêtements de Jésus étaient
saints, n’ayant pas été profanés quand ses
bourreaux les lui enlevèrent chez Pilate. Il était
cependant juste que notre divin maître s’en dépouille pour
nous montrer que rien de profane ne doit être porté sur
cette colline.
Prends donc garde, ma bonne petite fille, d’entrer au festin de la
Croix, qui est mille fois plus délicieux que les noces
mondaines, sans le vêtement blanc, nettoyé de toute autre
intention que de celle de plaire au Divin Agneau. » (Lettre
à Ermina Gargani, 28 décembre 1917)
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Séparé de toutes choses profanes,
Padre Pio n’en restait pas moins uni aux hommes : son union intime et
totale avec Dieu, par cette séparation du profane, le rendait
dans le même temps plus capable d’être surnaturellement
attentif à chacun, particulièrement ceux qui
étaient autour de l’autel, à ceux qui s’étaient
confiés à ses prières. Ainsi, pendant ces longues
minutes de l’offertoire, les présentait-il au Seigneur, avec le
pain et le vin.
De plus, il se présentait lui-même, s’offrant pour
être associé au Sacrifice du Christ. Acte de
charité qui le poussait à vouloir prendre sur lui les
souffrances des autres pour qu’ils en soient soulagés, ainsi
qu’il l’écrit un jour à son père spirituel :
« Si j’apprends que quelqu’un est affligé
dans son corps ou dans son âme, que ne ferais-je pas
auprès du Seigneur pour le voir délivré de ses
malheurs ? C’est bien volontiers que je prendrais sur moi tous ses
tourments pour le voir sauvé, en rétrocédant en sa
faveur les fruits de ces souffrances, si le Seigneur m’y autorisait.
» (Lettre au Père Benedetto, 26 mars 1914)
Ce qui était son attitude ordinaire atteignait dans la messe
(« source et sommet » de la vie chrétienne) son
point culminant.
Peut-être, en ce moment de l’offertoire,
Padre Pio se répétait-il la prière qu’il avait
composée pour son ordination sacerdotale :
« Jésus, mon souffle et ma vie,
aujourd'hui, en tremblant,
je vous élève dans un mystère d'amour.
Qu'avec vous, je sois, pour le monde,
Voie, Vérité et Vie
et par vous (pour vous)
prêtre saint, victime parfaite. » |