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La messe avec Padre Pio




La Messe avec Padre Pio (6)
La prière eucharistique


Le texte qui suit, est le compte-rendu que le père Hamel, sulpicien français, professeur de séminaire, fit après avoir assisté à la messe de Padre Pio, quand il se rendit à San Giovanni Rotondo en 1950. Par la sobriété des mots et la justesse de son regard, ce texte nous aide à ‘‘entrer’’ dans la célébration de Padre Pio.

Décrire cette messe est difficile, pour la raison très simple qu’elle n’offre rien de spectaculaire et que vous êtes pris dans l’action liturgique. Cet homme a le don de faire prier. Dans ces conditions, observer est quasi impossible. Il reste qu’après coup, vous pouvez revivre la scène et en décrire la particularité.
À voir les choses du dehors, le premier détail qui frappe est évidemment la durée, mais une fois encore après coup seulement. Car pendant la cérémonie, vous ne sentez pas le temps. La messe du Padre Pio dure une heure et quart…
De l’offertoire, nous n’avons retenu qu’une chose, le geste soutenu de l’oblation, près de cinq minutes. Les paroles sont dites lentement, une à une, séparées ; les yeux ne quittent pas la croix ; le corps immobile ; une oraison muette prolonge l’offrande. Relisez cette offrande, vous devineriez tout ce que le Padre peut y mettre.
Toute la portion qui jusqu’à la Consécration et qui durera vingt minutes est en effet marquée par une détresse physique et morale, singulièrement émouvante.
On a l’impression que le Padre essaye de retarder le plus possible le dénouement du sacrifice, comme si, à mesure qu’approche la consécration, une panique se développait en lui.
Tout son comportement l’indique : ses plaies peut-être s’ouvrent, ou du moins le font souffrir, si l’on en juge par les crispations des mains, la sueur, le déplacement incessant des pieds, sur lesquels il n’ose s’appuyer, le masque parfois convulsé des traits du visage. On ne peut s’empêcher d’évoquer l’Agonie…
On est en effet obligé de reconnaître que son comportement extérieur exprime des sentiments très différents selon les moments de la messe. Sur la toile de fond de la Passion, il est facile de voir que le Padre Pio suit le parcours de Notre Seigneur, du Cénacle au Calvaire…
L’anxiété atteint son paroxysme avec la Consécration où le Padre semble vivre la mise en Croix. Les paroles sont hachées, dans une sorte de hoquet.
C’est la Croix plus que la Cène : ce n’est pas le « Prenez et mangez » qui passe au premier plan, mais « mon corps livré pour vous… mon sang répandu pour vous et pour la multitude, en rédemption des péchés ».
La vision est bouleversante comme une véritable agonie. Vous avez vraiment devant les yeux un homme qui se débat contre la mort.
En disant le pro vobis, « pour vous », de la consécration du calice, le prêtre semble être penché vers la foule, des deux côtés de l’autel.
Adoration profonde de l’hostie. Nous sommes au sommet du sacrifice ; il est cinq heures quarante-cinq. À partir de ce moment, le Père semble évoquer devant nous la sérénité du Calvaire… Cette étape de la présence au pied de la Croix n’est pas exempte de souffrances. De temps à autre, le Padre Pio secoue nerveusement ses mains, d’un geste crispé et brusque; les traits se figent tout d’un coup pour retenir un cri de douleur.
La manière dont le Padre communie évoque irrésistiblement la descente de croix. Il semble prendre respectueusement le corps du Sauveur, appliquer ses lèvres sur les plaies, sur la fontaine d’eau vive jaillissant en vie éternelle. Il reste penché sur l’autel pendant quelques minutes. Puis il se relève. Son visage n’exprime plus la souffrance. Il semble hors du temps, absent du monde, perdu dans la contemplation.
Nous ne pensons pas avoir forcé la note dans cette description. Ceux qui ont assisté à la messe du Padre penseront plutôt que nous sommes restés en-deçà de la réalité. Ce que nous avons dit laisse deviner le fruit d’une telle expérience chez ceux qui en sont les témoins. Il ne s’agit pas de sensiblerie. C’est vraiment un témoignage.

Père Hamel (1950)