Une force nouvelle
d’union
L’Eucharistie
est une force qui
ouvre au don et à l’accueil, ainsi qu’à l’unité
qui en découle. Cette
unité, cette cohésion dépasse les limites du temps
et de l’espace, car
elle est la « force » même de la communion trinitaire
: elle est
l’amour. Padre Pio l’exprime bien quand il affirme :
« L’Eucharistie est un don nouveau
et absolument unique de l’amour immense de Jésus pour nous.
Parce qu’en
se donnant en nourriture et en boisson pour l’homme, il s’unit à
lui de
la manière la plus parfaite qui puisse exister entre le
Créateur et la
créature. » (Lettre à Giusseppina Morgera,
5 mai 1916)
Dans
son Encyclique sur l’Eucharistie, Mystici
Corporis, le pape Pie XII écrivait dans le même
sens : « Le divin Rédempteur s’est
uni
très étroitement, non pas seulement avec l’Eglise, son
épouse aimée,
mais aussi, en Elle, avec l’âme de chaque fidèle, avec
lequel il désire
ardemment s’entretenir dans des colloques intimes, spécialement
après
qu’il s’est approché de la table eucharistique. »
(n°88)
L’expérience
d’union de Padre Pio
Cette expérience mystique, Padre
Pio l’a vécue d’une manière particulière, ce qu'il
raconte au
Père Agostino, le 18 avril 1912 :
« C’est
à peine si j’ai pu me
rendre auprès du divin Prisonnier pour célébrer la
messe. Une fois
celle-ci finie, je suis resté avec Jésus pour faire mon
action de
grâce. Oh, comme elle fut suave, la conversation que j’eus avec
le
paradis ce matin-là, à tel point que, même si je le
voulais, il me
serait impossible de tout vous dire. Il y a des choses que l’on ne peut
traduire dans un langage humain sans qu’elles perdent leur profond sens
céleste. Si vous me passez l’expression, mon cœur et celui de
Jésus ont
fusionné. Il n’y avait plus deux cœurs qui battaient, mais un
seul. Le
mien avait disparu comme une goutte d’eau dans la mer. Jésus
était son
paradis, son roi. La joie était en moi si intense, si profonde,
que je
n’ai pu me contenir : mon visage était inondé des larmes
les plus
délicieuses. »
Cette communion des cœurs, que
Padre Pio décrit comme une fusion, est l’une des
premières
manifestations de son union avec Jésus Crucifié. Assez
rapidement, la
dimension de la croix apparaîtra dans ce phénomène,
sous la forme d’une
blessure ; ainsi, le 26 août de cette même année, il
écrit, toujours au
Père Agostino :
« Ecoutez ce
qui m’est arrivé
vendredi dernier. J’étais à l’église en train de
faire mon action de
grâce après la messe, quand je me sentis tout à
coup le cœur transpercé
par un javelot de feu si vif et si ardent que je crus en mourir. Les
mots me manquent pour vous faire comprendre l’intensité de cette
flamme
: il m’est réellement impossible de le décrire. Me
croirez-vous ? L’âme
victime de ces consolations devient muette. J’avais l’impression qu’une
force invisible me plongeait tout entier dans le feu… Mon Dieu, quel
feu ! Quelle douceur ! »
Le 5 août 1918, ce sera la
transverbération du cœur, et le 20 septembre Padre Pio recevra
les stigmates.
C’est le Christ qui
vit en moi
Revenons
à la communion
eucharistique. Cette communion met en l’âme tous les
éléments de la vie
spirituelle, elle la rend capable de posséder Dieu. Et
posséder Dieu,
cela signifie, comme l’explique saint Paul dans la Lettre aux
Philippiens (2,5 et ss), vivre avec lui et par lui, ressentir les
désirs, les angoisses, l’amour de Jésus pour
l’humanité, partager ses
sentiments, éprouver son zèle pour l’expansion du
Règne de Dieu. En
résumé, c’est se trouver dans la condition du saint du
Gargano quand il
s’exclame : « Tout se
résume en ceci : Je suis dévoré par l’amour de
Dieu et l’amour du prochain. » (Lettre au Père
Benedetto, 20 novembre
1920)
Cette
union au Christ est le
résultat de l’action toute mystique qui, parallèlement
à l’action
liturgique, se produit dans notre âme quand nous nous approchons
de
l’Hostie consacrée. De même que le Pain eucharistique est
assimilé par
notre corps, notre âme est absorbée par la divinité
de Jésus : « La
communion au Corps et au Sang du Christ nous fait devenir ce que nous
recevons. » (Concile Vatican II, const. Lumen Gentium, n°26)
Dans le cadre de cette
vérité, le
phénomène des stigmates trouve son explication. En Padre
Pio, comme en
saint François et en d’autres saints, la communion spirituelle
avec le
Christ s’est manifestée, de par la volonté divine,
à l’extérieur, dans
le corps: alors, la conformité de l’Amant et de l’Aimé
est rendue
parfaite.
Plus nous aurons le désir de nous
unir fréquemment à Jésus-Eucharistie, plus nous
serons identifiés au
Christ, jusqu’à ce que nous puissions dire : « Ce n’est plus moi qui
vit, mais c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20)
Eucharistie
et Pénitence
Pour que nous puissions reprendre
ces paroles de saint Paul aux Galates, nous devons vivre dans la
grâce,
nous abstenir, autant que cela nous est possible, du
péché : «
En effet, si nous aspirons à la
communion avec Lui, nous devons contempler sa vie toute divine dans la
chair et, l’imitant dans sa pureté sans péché et
sainte, nous élever à
un état divin et immaculé. Ainsi, nous recevrons la
communion et la
ressemblance avec Lui, comme Il nous l’a promis. »
(Pseudo-Denys, V°
siècle)
Le sacrement de la Pénitence,
joint
à celui de l’Eucharistie, nous aide à nous fortifier
contre nos
faiblesses humaines et contre les tentations de l’ennemi.
|
L’enseignement de
Jean-Paul II
Ce
qui précède est confirmé par
l’enseignement du Magistère de l’Eglise et en particulier de
Jean-Paul
II, notamment dans son encyclique Ecclesia
de Eucharistia. En voici
quelques extraits :
- «
L'Eucharistie apparaît donc
comme le sommet de tous les Sacrements car elle porte à sa
perfection
la communion avec Dieu le Père, grâce à
l'identification au Fils unique
par l'action du Saint-Esprit. » (n°34)
- «
Le Sacrement exprime ce lien de
communion d'une part dans sa dimension invisible qui, dans le Christ,
par l'action de l'Esprit Saint, nous lie au Père et entre nous,
d'autre
part dans sa dimension visible qui implique la communion dans la
doctrine des Apôtres, dans les sacrements et dans l'ordre
hiérarchique.
» (n°35)
- «
La communion invisible, tout en
étant par nature toujours en croissance, suppose la vie de la
grâce,
par laquelle nous sommes rendus ‘‘participants de la nature divine’’ (2
P 1,4), et la pratique des vertus de foi, d'espérance et de
charité. »
(n°36)
- «
L'Eucharistie étant la plus
haute manifestation sacramentelle de la communion dans l'Église,
elle
exige d'être célébrée aussi dans un contexte
de respect des liens
extérieurs de communion. De manière spéciale,
parce qu'elle est ‘‘comme
la consommation de la vie spirituelle et la fin de tous les
sacrements’’, elle exige que soient réels les liens de la
communion
dans les sacrements, particulièrement le Baptême et
l'Ordre sacerdotal.
» (n°38)
Un
autre extrait peut être cité, tiré lui de la Lettre
Apostolique Mane nobiscum Domine,
qui ouvrait l’Année de l’Eucharistie :
«
Lors de chaque Messe, nous sommes
appelés à nous confronter avec l'idéal de
communion que le Livre des
Actes des Apôtres donne comme modèle pour l'Église
de toujours. C'est
l'Église rassemblée autour des Apôtres,
convoquée par la Parole de
Dieu, capable d'un partage qui ne concerne pas uniquement les biens
spirituels, mais aussi les biens matériels (cf. Ac 2,42-47;
4,32-35).
En cette Année de l'Eucharistie, le Seigneur nous invite
à nous
rapprocher le plus possible de cet idéal. Que soient
vécus avec un
engagement particulier les moments déjà
suggérés par la Liturgie pour
la ‘‘Messe stationale’’, où l'Évêque
célèbre dans sa cathédrale, avec
ses prêtres et ses diacres, avec la participation du peuple de
Dieu
dans toutes ses composantes. Là réside la principale
‘‘manifestation’’
de l'Église. Mais il sera louable de déterminer d'autres
occasions
significatives, même au niveau des paroisses, pour que le sens de
la
communion grandisse, en puisant dans la Célébration
eucharistique une
ferveur renouvelée. » (n°22)
Les
groupes de prière
Puiser
dans l’Eucharistie, comme à
une source d’où jaillit en permanence une eau pure et
fraîche, la
capacité de se sanctifier, dans la communion avec Dieu et avec
les
autres : telle est la tâche, à la suite de Padre Pio et
selon son
enseignement, de ses Groupes de Prière. Padre Pio, le regard
tourné
vers la première communauté chrétienne, voulait
qu’ils soient des
groupes saints avec « un seul
cœur et une seule âme » (Ac 4,23), sur
lesquels l’Esprit Saint descende comme au jour de la Pentecôte.
Jean-Paul
II a bien mis cela en évidence lors de l’audience qu’il accorda
aux Groupes de Prière, le 1er octobre 1983 :
«
A l’imitation de la première
communauté chrétienne de Jérusalem, qui d’un seul
cœur et d’une seule
âme était assidue à la prière, vous devez
mettre la prière au fondement
de votre vie chrétienne : prière d’ado-ration,
prière de louange,
prière de demande, prière – comme l’affirment avec force
vos statuts –
‘‘avec l’Eglise, pour l’Eglise et dans l’Eglise’’. D’individuelle,
cette prière devient communautaire, elle s’exprime dans la
connaissance
et la participation active à la liturgie, elle trouve sa force
dans les
sacrements, en particulier l’Eucharistie et la Réconciliation ;
elle
devient une exigence de communion et d’obéissance au
Magistère de
l’Eglise, au Vicaire du Christ, aux Evêques. »
Combien
de fois Padre Pio n’a-t-il
pas recommandé aux responsables des groupes de prière :
« Soyons unis,
ne soyons jamais fatigués de faire le bien, soyons
obéissants et
respectueux de toute la hiérarchie de l’Eglise, constants et
persévérants. »
D’une manière encore plus
lapidaire, Padre Pio disait : «
De mes fils spirituels, je veux la
Messe, la Communion et le Rosaire chaque jour. »
La quotidienneté de la
Célébration
Eucharistique et du Rosaire, prière mariale par excellence,
voulue avec
insistance par le Saint stigmatisé, assurent cette
assiduité et cette
persévérance qui furent les caractéristiques des
premiers Chrétiens à
la ‘‘fraction du pain’’ et à la ‘‘communion fraternelle’’ autour
de la
Mère. Jésus et Marie, les amours les plus grands de Padre
Pio,
deviendront ainsi le centre de la spiritualité des Groupes de
Prière,
comme ils le furent de la première communauté des
disciples du Christ.
Traduction d’un
texte de la revue
‘‘Casa Sollievo
della Sofferanza’’
|