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Présentation
Là aussi, Padre Pio exprime son
incompréhension devant l’aveuglement des hommes. Ce n’est
pas Dieu qui manque de pitié, ce sont les hommes qui manquent de pitié
pour eux-mêmes. Le Christ ne cesse de proposer gratuitement et surabondamment
son amour ; sa miséricorde prend les devants, avec une tendresse infinie.
Mais l’habitude d’une vie centrée sur les choses terrestres
alourdit le cœur, l’aveugle. Et cela est d’autant plus une
inquiétude et une torture spirituelle que les ennemis de Dieu profitent
de cet « athésime pratique », de cette habitude d’indifférence.
Cependant, le Christ ne se lassera pas, et Padre Pio comprendra très
rapidement qu’il doit être (comme tout chrétien !) un relais
de la miséricorde de Jésus.
(Lettre au Père Agostino, 10 octobre 1915)
TEXTE
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En
ce qui me concerne, je ne m’arrêterai plus de pleurer pendant
tout le temps qu’il me reste à vivre : vous savez en effet combien
j’ai le cœur déchiré à la vue de tant de pauvres
aveugles qui fuient comme la peste cette douce invitation de notre divin Maître
: “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il
boive”.
C’est une torture atroce pour mon âme que de se trouver devant
ces vrais aveugles qui n’ont aucune pitié pour eux-mêmes,
car les passions leur ont fait perdre la raison et ils ne pensent pas même
à venir boire l’eau véritable du paradis.
Un regard, mon Père, puis dites-moi si j’ai raison de me rendre
malheureux pour la folie de ces aveugles. Voyez comme les ennemis de la croix
triomphent chaque jour davantage. Oh ciel ! Ils ne cessent de brûler
de mille désirs de satisfactions terrestres.
Jésus les invite à se désaltérer à l’eau
vive. Il connaît parfaitement notre besoin de boire à de cette
eau nouvelle à satiété ; il la tient prête pour
ceux qui ont réellement soif, afin qu’ils ne périssent
pas au milieu des flammes dont ils sont dévorés.
Jésus leur adresse cette tendre invitation : “Si quelqu’un
a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive”. Mais,
mon Dieu, quelle réponse obtenez-vous de ces malheureux ? Ils n’ont
pas l’air de vous entendre, ils vous fuient et, ce qui est pire, ces
misérables habitués depuis longtemps à vivre dans le
feu des satisfactions terrestres et qui ont vieilli dans ces flammes n’écoutent
plus vos invitations amoureuses et ne s’aperçoivent même
plus du grand danger, de l’horrible danger, dans lequel ils se trouvent.
Quel remède vous faut-il utiliser pour que ces malheureux Judas fassent
retour sur eux-mêmes? Par quel remède pouvez-vous espérer
que ces vrais morts ressuscitent ? Ah ! Mon Père, mon âme se
fend sous la douleur ; eux aussi, Jésus est venu les saluer, les embrasser,
leur donner un baiser. Mais ce salut n’a pas sanctifié ces misérables,
cette étreinte ne les a pas convertis, ce baiser, hélas, non
seulement ne les a pas sauvés, mais n’en sauvera peut-être
jamais la plupart.
La miséricorde divine ne les attendrit pas davantage ; les bienfaits
de Dieu ne les attirent pas ; les châtiments ne les domptent pas, les
douceurs les font devenir insolents, les sévérités les
rendent furieux ; dans les périodes prospères, ils se fâchent,
dans l’adversité ils désespèrent. Ils sont sourds,
aveugles, insensibles à toute invitation, si douce soit-elle, comme
aux reproches les plus sévères de la miséricorde divine,
qui pourraient les secouer et les convertir; or ils ne font que renforcer
leur endurcissement et rendre leurs ténèbres plus épaisses.
Ah ! Mon Père, comme je suis sot : qui m’assure que je ne suis
pas du nombre de ces malheureux? Moi aussi, c’est vrai, je ressens cette
soif de l’eau véritable du paradis, mais qui sait si c’est
vraiment celle-là que mon âme désire si ardemment ?
Au fur et à mesure que cette eau, loin d’étancher ma soif,
l’augmente au contraire, ce tourment devient de plus en plus intense.
N’est-ce pas là, mon Père, la meilleure des raisons de
douter fortement que cette eau désirée par ma pauvre âme
n’est pas celle que notre doux sauveur nous invite à boire à
grands traits ?
Que le Seigneur, qui est la source de toute vie, veuille ne pas me refuser
cette eau si douce et si précieuse qu’il a promise, avec l’exubérance
de son amour pour chaque homme, à ceux qui en ont soif. Cette eau,
mon Père, je la désire ; je la demande à Jésus
en poussant continuellement gémissements et soupirs. Priez, vous aussi,
pour qu’il ne se cache pas à moi ; dites-lui, mon Père,
qu’il connaît, lui, mon besoin de cette eau, car elle seule peut
guérir une âme blessée d’amour.
Que le tendre Epoux du Cantique sacré console une âme assoiffée
de lui, par ce même baiser divin que lui réclamait son épouse.
Dites-lui que, tant qu’elle n’aura pas reçu ce baiser,
l’âme ne pourra jamais faire un pacte avec lui en ces termes :
“Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à
moi”.
Qu’il plaise au Seigneur de ne pas abandonner celui qui a placé
toute sa confiance en lui ! Ah! Que cette espérance ne soit jamais
déçue et que je lui reste toujours fidèle…
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