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Eucharistie : ouverture

Padre Pio, une vie franciscaine



Padre Pio, une vie eucharistique
Réflexion


INTRODUCTION
Padre Pio, une vie eucharistique. Par ce titre, je ne vise pas tellement la manière dont Padre Pio célébrait la messe ou ce qu’il a dit ou écrit sur l’Eucharistie. Je souhaite plutôt faire (dégager) un parallèle entre ce qu’est l’Eucharistie (pour l’Eglise, pour chaque chrétien) et ce que fut l’existence de Padre Pio.
L’arrière-fond théologique de cette méditation est le premier chapitre de l’encyclique de Jean-Paul II sur l’Eucharistie, publiée en 2001, pour le Jeudi-Saint. Je n’ai pas le temps de le développer ; je n’indique ici que les grandes lignes de ce chapitre : Dans un premier temps, l’Eucharistie y est présentée comme sacrifice du Christ, auquel l’Eglise et chaque fidèle est appelée à participer par un sacrifice spirituel ; puis, deuxième axe, le pape rappelle la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie ; enfin, il indique l’ouverture à l’éternité, au monde nouveau que comprend l’Eucharistie, et l’exigence de transformation du présent qu’une telle ouverture implique. Voilà quels sont les trois lignes majeures de ce texte.
Pour cette méditation et réflexion sur la vie eucharistique de Padre Pio, je prends comme base une lettre qu’il écrivit au Père Agostino, l’un de ses directeurs spirituels, le 21 mars 1912. Je l’ai choisie car elle commence dans le contexte de l’Eucharistie (Padre Pio dit quelle est sa prière après la messe), puis insensiblement, de façon continue et naturelle, notre capucin passe à son existence, où l’amour du Seigneur le remplit et le transforme. Voici cette lettre.

Hier, fête de saint Joseph. Dieu seul sait combien de douceurs j’ai éprouvées, surtout après la messe, à tel point que je les ressens encore en moi. La tête et le cœur me brûlaient, mais c’était un feu qui me faisait du bien. Ma bouche goûte toute la douceur de la chair immaculée du Fils de Dieu. Oh, si en ce moment où je sens encore presque tout, je réussissais à enfouir pour toujours dans mon cœur ces consolations, je serais certainement dans un paradis !
Que Jésus me rend joyeux ! Comme son esprit est doux ! Je suis plein de confusion et ne sais rien faire d’autre que pleurer et répéter : « Jésus, ma nourriture !.. » Ce qui m’afflige le plus, c’est que je récompense tout cet amour de Jésus par tant d’ingratitude... Il m’aime toujours et me serre toujours plus contre lui. Il a oublié mes péchés et l’on dirait qu’il ne se souvient que de sa miséricorde... Il vient en moi chaque matin et déverse dans mon pauvre cœur toutes les effusions de sa bonté. Je voudrais, si c’était en mon pouvoir, laver de mon sang ces lieux où j’ai commis tant de péchés, où j’ai scandalisé tant d’âmes. Mais vive toujours la miséricorde de Jésus !
Ce même Jésus me demande presque toujours de l’amour. Et, plus que la bouche, c’est mon cœur qui lui répond : « Mon Jésus, je voudrais... » et : « je n’en peux plus ». Mais, à la fin, je m’écrie : « Oui, Jésus je t’aime et je sens même le besoin de t’aimer davantage ; mais, Jésus, de l’amour dans le cœur, je n’en ai plus, tu sais que je t’ai tout donné ; si tu veux plus d’amour, prends mon cœur et remplis-le de ton amour et, ensuite, commande-moi donc de t’aimer, je ne m’y refuserai pas, au contraire ; je t’en prie, fais-le, je le désire. »

Du jeudi soir au samedi, de même que le mardi, c’est une tragédie douloureuse pour moi. Il me semble que mon cœur, mes mains et mes pieds sont transpercés par une épée, tellement j’en souffre.
En même temps, le démon ne cesse de m’apparaître sous ses apparences hideuses et de me frapper d’une façon vraiment épouvantable. Mais vive l’amour de Jésus, qui me récompense de tout par ses visites !


Il y a dans ce texte trois axes principaux, qui feront les trois parties de cet exposé :
- un merci immense pour ce qu’il a reçu et reçoit du Seigneur, en premier lieu sa miséricorde : ACTION DE GRÂCES ;
- le désir de se donner totalement par amour du Seigneur, et de se donner à l’amour du Seigneur : SACRIFICE ;
- la ressemblance avec le Seigneur, particulièrement dans sa croix : PRÉSENCE RÉELLE.
Ces trois axes sont des réalités eucharistiques : l’action de grâces, le sacrifice, la présence réelle. Je les développe chacune rapidement.



1) ACTION DE GRACES

Un merci pour ce que l’on a reçu ou ce que l’on reçoit, ce qui nous est arrivé ou ce qui nous arrive, cela s’appelle en langage chrétien une action de grâces ; et action de grâces, en grec, se dit : eucharistein, d’où notre « eucharistie » en français.
On pourrait multiplier les textes de Padre Pio dans lesquels il exprime son action de grâces de recevoir la miséricorde du Seigneur. Il considère même, dans un texte qui est justement une belle action de grâces, qu’il a été choisi par Dieu pour cela, montrer la miséricorde à l’œuvre :
« Plus que jamais, vive la miséricorde divine ! Comme Jésus est bon envers ses créatures ! Combien de victoires son serviteur ne peut-il pas énumérer, toutes dues à son aide puissante ! Jésus a voulu faire de moi un modèle de grâce et me donner en exemple à tous les pécheurs, afin qu’ils ne perdent pas l’espoir d’être sauvés.» (8 décembre 1914)
Padre Pio se considère – ou est considéré – comme un apôtre de la miséricorde divine ; certes comme un dispensateur de cette miséricorde par les sacrements (messe, confession), les conseils spirituels, la construction de l’hôpital Casa Sollievo della Sofferanza, mais apôtre de la miséricorde aussi en tant qu’il montre en sa vie que le Seigneur n’abandonne jamais les hommes, qu’il vient toujours à leur secours. Dans les lignes qui précèdent celles que je viens de citer, Padre Pio raconte un de ses combats contre le mal et comment le Seigneur est venu l’en délivrer. Dans les phénomènes extraordinaires des combats de Padre Pio contre Satan, la tentation, le péché, c’est comme si nous voyions dans un microscope, grossi à des ‘centaines de fois’, ce qui se passe en plus petit dans nos vies. Nous aussi, nous sommes attaqués par le mal, soumis à diverses tentations, nous aussi, nous succombons au péché… Padre Pio est alors devant nous comme un témoin que nous ne devons jamais perdre espoir, quelle que soit l’importance de la tentation, la gravité ou la ténacité du péché, quelle que soit l’ampleur ou la forme de la manifestation du mal en notre existence. « Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8, 31)

En relisant le premier texte cité, on remarque combien Padre Pio est ému par cette réalité. Cette émotion se traduit en pleurs et en joie : « Que Jésus me rend joyeux ! Comme son esprit est doux ! Je suis plein de confusion et ne sais rien faire d’autre que pleurer et répéter : Jésus, ma nourriture !..»
D’un côté, il prend de plus en plus conscience de l’écart entre lui et le Seigneur, il parle de ses nombreux péchés, qu’il exagère sans aucun doute ; et cela le remplit de confusion. En même temps, une joie immense l’inonde car, s’il prend conscience du mal, c’est parce que le Seigneur est venu faire en lui son œuvre de miséricorde. En fait, la miséricorde est la lumière dans laquelle il voit son péché, sa faiblesse radicale. Le péché ne se présente pas de lui-même ; l’homme qui est seulement dans le péché, ne sait rien de sa situation – ou il la connaît et il n’est sans doute pas loin du péché contre l’Esprit, de la rébellion ou du reniement absolu. Celui qui a conscience de son péché, c’est d’abord celui que la miséricorde a commencé de toucher, d’éclairer. De cela, Padre Pio a une conscience vive, ce qui explique son exultation d’être pécheur, en fait d’être un pécheur déjà pardonné et que Dieu est prêt à encore et toujours pardonner.

Sur cette première dimension eucharistique, disons encore ceci : La joie est un élément important de l’Eucharistie et de la vie de Padre Pio. Or, en cela, nous savons qu’il n’y a pas humainement d’égalité : certains ont un tempérament plutôt joyeux et optimiste, d’autres plutôt pessimiste ; certains connaissent une existence difficile qui n’offre pas beaucoup d’occasions naturelles de joie. L’expérience chrétienne nous apprend à puiser la joie à sa véritable source : la miséricorde, afin que cette joie ne s’épuise pas dans les difficultés ou la monotonie, ne se réduise pas à des plaisirs fugaces et inutiles, ne soit pas mêlée à la moquerie ou à la méchanceté, et surtout afin qu’elle trouve, quelles que soient les circonstances, un motif : être sauvé.
Une phrase du psaume 50 dit alors qu’elle peut être notre prière :
« Rends-moi la joie d’être sauvé ». Et saint Paul, dans la Lettre aux Philippiens, nous en donne une description lumineuse : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie. Que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l'action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, gardera votre coeur et votre intelligence dans le Christ Jésus. » (4, 4-7)


2) SACRIFICE
La deuxième dimension eucharistique de la lettre lue au commencement est le sacrifice, bien que le mot n’apparaisse pas ; mais la réalité est là. Dans cette lettre, Padre Pio exprime son désir, infini si je puis dire, de se donner au Seigneur. Quand un désir est très fort, plus fort que toute autre réalité, on dit que l’on brûle de ce désir. C’est bien ce que Padre Pio écrit :
« Hier, fête de saint Joseph. Dieu seul sait combien de douceurs j’ai éprouvées, surtout après la messe, à tel point que je les ressens encore en moi. La tête et le cœur me brûlaient, mais c’était un feu qui me faisait du bien. Ma bouche goûte toute la douceur de la chair immaculée du Fils de Dieu. »

Pour parvenir à la notion de sacrifice, suivons quelque peu la présence du feu dans l’existence de Padre Pio. Nous savons tout d’abord qu’il a pris des formes physiques extraordinaires : Pendant les années de la première guerre mondiale, le jeune capucin, alors exilé dans sa famille à Pietrelcina pour cause de maladie mystérieuse et prolongée, connut des fièvres au-delà ce qui est physiologiquement possible. On le sait par les examens médicaux qu’il fit à l’armée ; sa température fut mesurée à 48°, avec un thermomètre pour le bain…
Le feu apparaît également, et c’est plus intéressant, dans l’événement de la transverbération, le 5 août 1918 (veille de la Transfiguration, par excellence fête de la lumière divine, du feu divin) : La transverbération est cette impression d’avoir le cœur ou l’âme transpercé par un glaive ou une lance. Sainte Thérèse d’Avila a été la première à en donner une description précise. Padre Pio a connu cette expérience, quelques semaines avant la stigmatisation. Voici le récit qu’il en fait au Père Benedetto, le 21 août 1918 :
« Le 5 au soir, j’étais en train de confesser nos garçons quand je fus saisi soudain d’une terreur extrême à la vue d’un personnage céleste qui se présentait à l’œil de mon intelligence. Il tenait à la main une sorte d’objet semblable à une très longue lame de fer dont la pointe était bien effilée ; on aurait dit que du feu jaillissait de cette pointe.
Voir tout ceci et observer ce personnage lancer à toute force cet objet dans mon âme fut une seule et même chose. C’est à peine si j’émis une plainte, je me sentais mourir. Je dis au jeune garçon de se retirer parce que je me sentais mal et que je n’avais pas la force de continuer.
Ce martyre dura, sans interruption, jusqu’au 7 au matin. Je ne saurais vous décrire ce que j’ai souffert pendant cette période si douloureuse. Je voyais que même mes viscères étaient arrachés et tiraillés par cet objet et que tout était mis à feu et à sang. A partir de ce jour, j’ai été blessé à mort. Au plus intime de l’âme, je sens une blessure toujours ouverte qui me fait souffrir constamment.
»

Quelques semaines après, l’impression continue, elle a même amplifié. Ainsi, il écrit au Père Benedetto, le 5 septembre de cette année-là :
« Je me vois plongé dans un océan de feu. La blessure qui a été rouverte en moi saigne encore et toujours. »
Notons enfin cette particularité : le feu est très fort, il provoque une douleur certaine, mais il fait du bien ; et même il est doux ! Il est en tout cas associé à la douceur. Dans la lettre ‘initiale’, deux mentions d’une douceur ressentie encadrent la mention du feu, ce qui paraît établir une relation étroite entre douceur et feu. Une prière de saint François d’Assise exprime et confirme cette réalité complexe, et elle nous conduira vers ce qu’est le sacrifice :
« Seigneur, que la force brûlante et douce de ton amour absorbe mon âme et la retire de tout ce qui est sous le ciel ; afin que je meure par amour de ton amour, comme tu as daigné mourir par amour de mon amour. »
Mourir par amour.
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Ce qui est important évidemment, c’est d’aimer, non de mourir. Plus encore, ce qui est important, fondamental, c’est d’aimer comme Jésus nous a aimés : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin… Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Padre Pio sait que seul l’amour de Jésus est à la mesure de l’amour ; le nôtre est trop faible, changeant, mal dirigé. Il demande alors, non pas d’aimer plus, mais que Jésus aime en lui :
« Si tu veux plus d’amour, prends mon cœur et remplis-le de ton amour et, ensuite, commande-moi donc de t’aimer. »
Or, pour que Jésus aime en nous, il nous faut lui donner toute la place. Voilà le sacrifice.

Le modèle de tout cela, c’est la messe. Dans la messe, nous revivons la mort et la résurrection du Seigneur, où il a aimé jusqu’à l’extrême de l’amour. En entrant dans le mouvement de la messe, de l’Eucharistie, nous entrons dans le mouvement de Jésus lui-même. Alors, peu à peu ou parfois tout d’un coup, nous sommes modelés par Dieu ; il nous façonne à l’image et à la ressemblance de son Fils. Son amour s’associe au nôtre. Sans doute, à la suite de Padre Pio et de la tradition franciscaine, convient-il de dire que l’amour du Christ remplace notre amour, plus qu’il ne s’y associe.
Padre Pio a vécu pleinement l’alliance entre vie et célébration de la messe. Chaque instant de ses journées (et de ses nuits !) était une préparation à la messe ou une action de grâce pour la messe célébrée. Et chaque instant de la messe était empli de son existence. Comprenons-nous bien : c’est Jésus qui occupait toute la place ; cependant Padre Pio y mettait toute son existence, sous la forme d’une offrande de soi, d’un abandon de soi. Ici, offrande et abandon désignent la même réalité.
Un signe de cela : les longs moments de silence, parfois jusqu’à 20 minutes, au moment de l’offertoire, de l’élévation de l’hostie consacrée ou du calice. Padre Pio présentait alors toutes les personnes rencontrées, celles dont il avait lu les lettres, celles qui se recommandaient à ses prières. Cette offrande n’était pas une initiative de sa part, une décision qu’il aurait prise, mais elle lui était inspirée, commandée par l’Esprit. Qu’elle prenait la forme d’une extase et que l’ordre donné mentalement par ses supérieurs de l’arrêter (parce qu’elle devenait trop longue) était systématiquement ‘entendu’ et suivi, le confirme. Va également dans ce sens l’attitude générale de strict respect, que l’on qualifierait de scrupuleux chez d’autres, du rituel de la messe, où une initiative de sa part, si petite soit-elle, n’avait pas de place…



3) PRESENCE REELLE

Voici maintenant le troisième temps de cette méditation et réflexion sur la vie eucharistique que, là encore, je ne ferai que survoler. Je l’intitule ici « Présence réelle », ce qui renvoie immédiatement à la messe, mais ne se trouve pas dans le texte même de Padre Pio lu au début. Cependant, j’avais noté dans ce texte trois axes principaux ; c’est du dernier dont je veux parler à présent : la ressemblance avec le Christ, particulièrement dans sa croix.
Lorsque l’on parle du sacrifice de l’Eucharistie, on ne veut pas dire que l’on se souvient simplement du sacrifice de Jésus sur la croix ; la messe n’est pas une commémoration, elle est réellement un sacrifice. Dit autrement, au cours de la célébration eucharistique, il y a une présence réelle et agissante du Christ, de sa mort et de sa résurrection. Cela est vrai de toute messe. Le Christ est présent dans le pain et le vin consacrés, qui sont changés en son Corps et en son Sang. Il est présent également, d’une autre manière, dans le prêtre qui célèbre, dans la communauté rassemblée, dans la Parole proclamée.

Fondamentalement, le Christ n’était pas plus présent pendant la messe de Padre Pio que durant n’importe quelle autre messe. Cependant on peut dire qu’il y était quand même plus présent ; en fait, que sa présence était plus manifeste. Je crois qu’on peut le dire sous deux aspects :
a- A la suite de ce que j’ai dit du sacrifice dans la vie de Padre Pio, Jésus était plus présent, plus manifestement présent dans la vie de Padre Pio que dans la mienne, pour ne pas parler d’autres prêtres. Considérons seulement le signe de cette présence que sont les stigmates ; ces stigmates qui, pendant la messe, étaient une image rendant visible ce qui est invisible mais bien présent dans le sacrement : le sacrifice de la croix.
Il y a, à l’évidence, un lien très étroit entre les stigmates de Padre Pio et le fait qu’il était prêtre. Quel est-il exactement ? Je ne saurais le dire. Notons toutefois les éléments suivants :
* Padre Pio a été ordonné prêtre le 10 août 1910. Dans une lettre du 8 septembre 1911, il raconte que depuis près d’un an, il a des rougeurs et des douleurs intermittentes aux mains et aux pieds. Ce qui nous ramène juste après son ordination. Le phénomène des stigmates commence donc peu après l’ordination (alors qu’il connaissait d’autres phénomènes extraordinaires depuis son entrée au noviciat en 1904).
* L’événement de la stigmatisation définitive (20 septembre 1968) se passe après la messe. La transverbération, prélude à la stigmatisation, évoqué auparavant, se passe pendant qu’il confesse. Messe et confession sont les activités majeures de Padre Pio prêtre, en fait de tout prêtre.
* Dans le premier texte que nous avons lu, on note aussi ce lien entre sacrement et stigmates : il rend compte de son action de grâce après la messe, ce qui l’amène à parler de son sacrifice d’amour ; puis il dit une des formes de ce sacrifice : "Du jeudi soir au samedi, de même que le mardi, c’est une tragédie douloureuse pour moi. Il me semble que mon cœur, mes mains et mes pieds sont transpercés par une épée, tellement j’en souffre." Nous sommes en 1912, rappelons-le, soit pendant la période des stigmates invisibles.

b- Le second aspect sous lequel on peut dire que le Christ était plus présent d’une certaine manière pendant la messe de Padre Pio, c’est que les messes de Padre Pio ont eu plus d’effets connus que les messes de n’importe quel autre prêtre : l’assemblée était saisie, attentive ; les conversions ont été nombreuses, les témoignages de grâces reçues dans la communion pullulent. La présence de Padre Pio aidait les personnes présentes à accueillir le Christ. En fait, Jésus n’était pas plus présent, mais les fidèles étaient plus réceptifs à sa présence, du fait de la présence de Padre Pio.

Il convient d’ajouter quelque chose : parler de présence réelle dans l’Eucharistie, c’est dire aussi que cette présence est définitive et permanente : le pain et le vin restent le Corps et le Sang du Christ après la célébration, jusqu’à la corruption des espèces (il serait bien évidemment souhaitable qu’une telle corruption n’arrivât jamais). De manière analogique, en regardant la vie de Padre Pio, on est frappé par un fait : sa décision de se donner au Seigneur n’a jamais connu de retour en arrière, elle a été définitive et permanente (ce qui ne signifie pas qu’il ne péchait plus, car les péché véniels ne sont généralement pas une négation de l’engagement fondamental, fondateur). La permanence, ce fut aussi chez lui sa disponibilité constante à sa mission. Sa personne, sa présence étaient soumises en quelque sorte à la personne, à la présence des autres, des pénitents notamment. Soumission ou, si l’on préfère, obéissance.
Dans ce sens, et pour faire un lien avec la dimension du sacrifice, dans un petit livre intitulé « La messe de Padre Pio », le frère Tarcisio de Cervinara écrit avec justesse que le sacrifice n’a pas été pour le Christ un événement ponctuel, mais un état : il a commencé avec la parole que la Lettre aux Hébreux prête à Jésus au moment de l’Incarnation :
« Voici, je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté » (He 10, 5-7 ; cit. Ps 40), et il s’est clôt avec la dernière parole en croix : « Tout est accompli ».
Sacrifice, Présence, obéissance : Voilà trois mots pour une seule et même réalité en Jésus. J’espère avoir réussi à montrer qu’il en a été de même, pour beaucoup, dans l’existence de Padre Pio.