Padre Pio
célébrait la Messe le matin de très bonne heure,
aux premières lueurs de l’aube, parfois avant. La plupart du
temps à l’autel latéral de l’Immaculée, mais aussi
à l’autel majeur ou à celui de Saint François.
Après l’Action de grâces, il confessait
les hommes dans la sacristie, puis les femmes dans la petite
église. Après la confessions, il retournait à la
sacristie pour revêtir le surplis et l’étole, puis il
revenait dans l’église pour distribuer la communion aux
fidèles. Il n’était pas rare que cela prenne du temps ;
or, était encore en vigueur la règle du jeûne
eucharistique qui obligeait à s’abstenir de tout, eau comprise,
depuis minuit : le sacrifice n’était donc pas mince pour les
fidèles.
L’après-midi, après un temps de repos,
Padre Pio redescendait en sacristie pour confesser les hommes. A
certaines périodes ou certains jours, le nombre de personnes
était tel que cela occupait Padre Pio toute la journée ;
mais il n’en était pas toujours ainsi. Les confessions
terminées, accompagnés parfois d’un entretien, Padre Pio
se retirait dans la solitude pour le reste de la journée.
Peu à peu, des maisons commencèrent
à apparaître dans les environs, construites par des
étrangers à San Giovanni Rotondo qui venaient
résider là de manière stable ou qui voulaient
avoir un point de chute pour leurs visites régulières ;
ces maisons étaient aussi celles de gens du pays qui
souhaitaient s’approcher le plus possible du couvent où se
trouvait Padre Pio.
Car Padre Pio se trouvait désormais au centre
d’une famille, qui s’étendait toujours plus, guidant comme un
vrai père, non seulement spirituellement mais aussi avec des
conseils d’ordre pratique, des personnes habituées de son
confessionnal et d’autres rencontres, ou plus éloignées.
Tous avaient pour lui une authentique
vénération : bien qu’ils le considèrent comme un
membre de leur famille, dans une confiance réciproque, ils
voyaient en lui un signe surnaturel. Certains se lièrent
à lui complètement, dans une suite spirituelle sans
réserve, buvant et méditant ses enseignements
reçus en confession ou encore écrits en brefs messages
qui s’ajoutaient aux nombreuses lettres regorgeant de
spiritualité, et qu’il écrivait quand il en avait le
temps.
Le
parfum
Mais qu’avait donc de si spécial Padre Pio pour catalyser autour
de lui tant d’intérêt et tant de vénération
? Les plaies du crucifié, durablement inscrites dans les mains,
ordinairement recouvertes par des mitaines de couleur marron, qu’il
n’enlevait que pour célébrer la Messe ? Elles suffiraient
certainement pour le faire apparaître comme un être
supérieur, d’autant que de ces plaies émanait souvent un
parfum que l’on ne pouvait confondre avec nul autre, qui inondait les
présents, et qui à plusieurs reprises fut un signal
d’avertissement pour des personnes se trouvant dans des pays lointains.
Cela déjà est miraculeux. On se pressait, la messe
à peine terminée pour lui embrasser les mains, car
à la sacristie il remettrait ses mitaines. Et l’on cherchait
à la place où il revêtait les habits sacerdotaux
des petites croûtes qui avaient pu se détacher des plaies
lorsqu’il enlevait ou remettait les mitaines ; conservées comme
reliques, elles continuaient à répandre le parfum
caractéristique de Padre Pio, et en venaient à être
considérées comme miraculeuses.
La
scrutation des âmes
En plus des signes
par eux-mêmes exceptionnels qu’il portait dans son corps, Padre
Pio, illuminé qu’il était par le Seigneur,
possédait à l’évidence la capacité de voir
l’intérieur des âmes. Cela était une sorte
d’habitude en confession, où il n’était pas rare que les
pénitents se fassent rappeler des péchés qu’ils
avaient omis de dire. Si l’omission était involontaire, et s’il
s’agissait de choses vénielles, tout n’en allait que mieux. Mais
s’il y avait tromperie et s’il était question de matières
graves, les reproches de Padre Pio se faisaient sévères
et cinglants, allant jusqu’au renvoi du pénitent. Et cela en
public, car Padre ne connaissait pas les demi-mesures. L’humiliation
était grande, non pas tant en raison de la honte d’un tel renvoi
public, qui saisissait grandement aussi ceux qui attendaient leur tour,
mais plus pour l’orgueil blessé.
Comment Padre Pio
se permettait-il de traiter ainsi un être humain ? De quel droit
? Par quelle autorité ? Nombreux étaient alors ceux qui
s’en allaient indignés, jurant qu’ils ne remettraient plus les
pieds dans cet endroit ; mais en y repensant, avec l’aide de quelque
samaritain qui expliquait ce qu’il en était au fond, les
encourageait, ils revenaient pour une nouvelle confession, avec
d’autres prêtres quand ce n’était pas avec Padre Pio
lui-même. En raison de ces renvois en cours de confession, on
voyait des personnes pleurer, des pleurs qui faisaient du bien, parce
qu’ils leur faisaient voir avec plus de clarté leur comportement.
Padre Pio
exerçait un semblable discernement intérieur aussi en
dehors de la confession : quand au milieu de la foule il
réprimandait à haute voix quelqu’un, ou sans rien dire
retirait sa main à qui s’apprêtait à l’embrasser,
ou passait devant une personne agenouillée à la table
sans lui donner la communion. Il y avait aussi ces occasions où
il s’emportait contre quelqu’un en face de totu le monde, laissant les
uns et les autres dans la stupeur. Il en était ainsi toujours
pour une raison que seul le malheureux en question connaissait.
La
bilocation
Padre Pio a témoigné lui-même de son don de
bilocation.
Un jour, alors
qu’il se trouvait au milieu de ses filles spirituelles dans le parloir
du couvent pour une des conférences habituelles, il parut un
moment comme absent. La chose se prolongeait trop pour qu’il s’agisse
d’une simple concentration intérieure. Il finit par revenir
à lui et quand on lui demanda ce qui lui était
arrivé, il répondit avec simplicité qu’il avait
été en Amérique trouver son frère Michele.
Nous trouvons dans
sa correspondance un récit détaillé de sa visite
à une fille spirituelle de Foggia : Giovina, sœur de Raffaelina
Cerase, avec laquelle Padre Pio était en relation
épistolaire alors qu’il se trouvait à Pietrelcina.
Nous nous
limiterons à ces deux cas rapportés par Padre Pio
lui-même. Mais ajoutons que le parfum était un signe de sa
présence, ou pour le moins de son assistance dans la
prière. Il avertissait tout aussi bien des personnes qui
n’avaient jusqu’alors aucune relation avec Padre Pio. Ce parfum
était celui de la violette, très intense et semblable
à nul autre. Mais parfois, c’étati une odeu de tabac ou
d’acide phénique qui se faisait sentir. Padre Pio avait
utilisé l’acide phénique quelques temps après la
stigmatisation comme désinfectant. Quant au tabac, Padre Pio en
prisait pour libérer les voies respiratoires. On assigne
communément des significations diverses à ces odeurs,
parmi d’ailleurs d’autres odeurs attribuées à Padre Pio,
mais il n’y a rien de moins sûr. Ce qui est certain, c’est que
Padre Pio, même à distance lointaine, faisait sentir sa
présence et son secours. Il est également certain que
l’odeur émanant de son sang n’était pas repoussante, mais
agréable. Odeur dont l’effluve venait aussi des petites
croûtes détachées des stigmates. Qui parvenait
à en posséder ne serait-ce qu’une parcelle, la conservait
précieusement, y recourrant dans les moments de besoin.
Les
grâces
La prière
d’intercession de Padre Pio obtenait des grâces qu’on ne pouvait
confondre avec quelque intervention humaine que ce soit. Sans que, dans
la grande majorité des cas, l’on puisse parler de miracle au
sens strict. Ceux qui en ont bénéficié, ayant
recouru à Padre à Padre Pio, sont innombrables ; il en
est encore ainsi.
Quand on lui demandait de prier à telle ou
telle intention, il y consentait immédiatement, et dans le
même temps exhortait le quémandeur à la
prière. Sa prière habituelle, très
répandue, est la « prière irrésistible au
Sacré-Cœur », qu’il récitait chaque jour.
Quand on le remerciait, Padre Pio répondait :
‘‘Ce n’est pas moi, mais
la Vierge qu’il faut remercier.’’ Mais si quelque fidèle,
après un signe extraordinaire, ne se contentait pas de cette
réponse et insistait, lui demandant : ‘‘Padre, n’est-ce pas vous ?’’, il
finissait par déclarer : ‘‘Et
qui veux-tu que ce soit ?’’ Parfois, à la mention qu’il
faisait d’un aspect particulier de la personne ou de l’affaire, nul ne
pouvait douter de son intervention.
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