Ces deux saints,
que sont Maximilien Kolbe et Padre Pio, ont, en fait, pris au
sérieux et poussé jusqu’au bout ce qui est dit aux pages
précédentes : la réalité de
l’Immaculée Conception concerne Marie, en premier lieu et de
manière absolue ; mais elle nous concerne aussi : il s’agit de
vivre une union avec Marie telle que la victoire contre le mal en elle
se ‘‘diffuse’’ en nous. Il s’agit de croire que Jésus peut
être victorieux du mal aussi en chacun de nous.
Padre
Pio
"Ô Mère,
mets en moi cet amour qui brûlait en ton cœur pour ton Fils.
Moi qui suis faible,
j'admire le mystère de ton Immaculée Conception.
Je le désire
ardemment :
Purifie mon cœur pour
qu'il puisse mieux aimer Dieu.
Purifie mon esprit pour
qu'il puisse s'élever à lui et le contempler,
l'adorer et le servir en esprit et en vérité.
Purifie mon corps pour
qu'il devienne un tabernacle moins indigne de le recevoir,
lorsqu'il vient à moi dans l'Eucharistie."
On trouve cette
prière dans l’une des lettres que Padre Pio écrivit
à son directeur spirituel. Il ne suffit pas à Padre Pio
d’admirer en Marie les œuvres du Seigneur ("J’admire le mystère de ton
Immaculée Conception"), il se sent attiré à
vivre lui aussi de cette œuvre divine : "Je le désire ardemment".
Padre Pio est bien
conscient de ses faiblesses : à cette époque, il est
très malade et quitte rarement le lit, il est dans le doute par
rapport à sa vocation, il connaît les tentations et les
attaques de Satan… Mais, plus encore, il est conscient, persuadé
de la puissance de la miséricorde du Christ. Alors, tel un
enfant malade et confiant, il se tourne vers Marie qu’il appelle "Ma petite maman", selon une
expression italienne typique.
Il demande l’aide de Jésus, par Marie, et en
accepte les conséquences : il veut la présence et la
force de Dieu dans toute sa personne : "Purifie mon cœur, purifie mon esprit,
purifie mon corps."
Cette purification
est celle de l’amour qui unit Jésus et Marie. Certes, comme
toute purification, elle détruit : le péché, mais
aussi nos attachements au péché, au mal, attachements
conscients ou inconscients. La conversion à l’Évangile
est exigeante, et Padre Pio insistait beaucoup sur la cohérence
de notre démarche : même si la conversion prend du temps,
on ne se convertit pas à moitié. Dans cette
démarche, les sacrements de l’Eucharistie et de la Confession
sont essentiels : la prière de Padre Pio se termine sur cette
réception de Jésus dans l’Eucharistie.
Conversion
difficile, certes ; mais dès qu’on y est entré, on en
sent aussi toute la douceur, toute la paix : Padre Pio
n’écrivait-il pas pour décrire sa communion eucharistique
: "Je sens en moi la douceur de la
chair immaculée du Christ." Notons les mots "douceur… chair immaculée".
Très pratiquement, c’est la prière du
rosaire qui a fait connaître à Padre Pio
l’Immaculée Conception de Marie, c’est-à-dire la victoire
totale du Christ. Padre Pio avait le chapelet toujours en main, ce
chapelet qu’il aimait appeler "arme
contre Satan" et "douce
chaîne qui nous relie à Dieu".
Maximilien
Kolbe
Ce que Padre Pio a
vécu dans l’intimité de son existence et dont il n’a
parlé qu’une seule fois, Maximilien Kolbe a voulu, à la
même époque, le propager. En 1917, il créa à
Rome la Milice de l’Immaculée. Le nom que la Sainte Vierge s’est
donné à Lourdes ("Je
suis l’Immaculée Conception") et son message ont
été des éléments décisifs dans son
action. Ainsi écrivait-il en 1933 :
"Et voici que quatre
années après la proclamation du dogme de
l’Immaculée Conception, la Vierge en personne, à Lourdes,
déclare : Pénitence, pénitence, pénitence !
Donc, qui veut proclamer dans notre monde corrompu la pénitence
? L’Immaculée. Faisons donc en sorte que ce soit elle, et
elle-même en nous, qui proclame la pénitence pour
rénover les âmes."
Il s’agit d’incarner dans la vie quotidienne le
dogme de l’Immaculée Conception. Maximilien était
persuadé que les apparitions de Lourdes avaient cette
signification. L’incarner d’abord en soi : "Aimons l’Immaculée chaque jour
davantage. Sur ce point il ne peut y avoir de limites, tandis qu’elle
purifie de plus en plus nos cœurs, notre nature humaine et nous
transforme en Elle."
Ensuite, l’incarner dans la société :
Il proposait alors la création de Cités de
l’Immaculée où tous les moyens, traditionnels et modernes
(radio, journaux, etc.) seraient pris pour diffuser cette vie de
l’Immaculée. Le texte suivant l’affirme clairement : "Comme l’Immaculée est peu connue
en profondeur et en pratique, dans la vie courante ! Que
d’incompréhensions, de préjugés et de
difficultés vaines et même stupides dans les esprits !
L’Immaculée veut avoir, par l’existence de ces cités, la
possibilité d’éclairer, de dissiper ce courant de
froideur, d’allumer le feu de l’amour envers elle sans limites, avec
une pleine liberté, sans crainte de voir les cœurs se refroidir
et se fermer. Nous n’avons pas à chercher le Roi (Jésus)
à côté du palais (Marie), mais tout à fait
au-dedans, à l’intérieur."
Maximilien Kolbe
affirme ici cette volonté de la Vierge d’être
présente dans la société ; il dit aussi que Marie
est le bon antidote contre la froideur.
Élargissements
Le 17 octobre
1917, Maximilien Kolbe fondait la Milice de l’Immaculée. Or,
quatre jours auparavant, avait lieu la dernière apparition de
Fatima. La coïncidence de date et de message est frappante :
demande par Marie de consacrer le monde (la Russie) à son Cœur
Immaculé, ses appels à la pénitence et la
prophétie : "À la fin,
mon Cœur Immaculé triomphera" — voilà qui donne
une sorte d’authentification à l’intuition de Maximilien Kolbe.
(À ma connaissance, il ne fait jamais mention de Fatima.)
Cette consécration a été faite
par Jean-Paul II. Mais la consécration, de soi ou de la
société, n’est que la première étape ; la
seconde est la propagation des fruits de cette consécration.
Cela n’est pas encore fait, cela est à peine commencé.
Peut-être parce que nous pensons que la dévotion mariale
est une dévotion privée. Si nous pouvions nous apercevoir
que c’est à tort que nous pensons ainsi. Ouvrant l’Année
du Rosaire, Jean-Paul II le disait, en demandant de prier
particulièrement pour la paix et la famille, et en confiant
l’Année du Rosaire aussi aux communautés et aux familles.
Cette nécessité d’une présence
de Marie dans la société, Benoît XVI l’a aussi
exprimée. Il écrivait ceci, dans un livre ancien : "À la piété mariale,
il pourrait revenir de produire l’éveil du cœur et sa
purification dans la foi. Si c’est la misère de l’homme actuel
de se décomposer de plus en plus en ce qui est simplement
biologique et en simple rationalité, la piété
mariale pourrait réagir contre une telle
‘‘décomposition’’ de l’humain, et aider à retrouver
l’unité au centre, à partir du cœur." (Marie,
Première Église, p. 33)
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